Droit de l'environnement : La consecration constitutionnelle de l'environnement et les grands principes
Il a fallu attendre la loi constitutionnelle du 1CL mars 2005 pour que l’environnement soit mentionné dans la Constitution, en renvoyant à une Charte de l’environnement à valeur constitutionnelle qui comporte un préambule et dix articles.
Cette consécration fait de l’environnement un nouveau droit de l’homme qui s’inscrit dans la tradition historique française après 1789 (droits individuels) et 1946 (droits économiques et sociaux). Cette Charte va devenir la référence obligée tant au plan politique que juridique.
En effet, son caractère solennel et sa force juridique vont s’imposer non seulement au Parlement, à travers le contrôle du Conseil constitutionnel, mais aussi à l’Administration et aux particuliers, à travers le contrôle des juridictions judiciaires et administratives.
La Charte situe l’environnement dans un contexte humaniste et universa- liste, par des formulations non dénuées d’emphase et très directement inspirées de la déclaration de Rio de 1992 : « L’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel; […] l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains. »
A. La Charte et le développement durable
Le développement durable fait son entrée dans le droit constitutionnel à deux reprises dans la Charte. Dans le préambule, d’abord : « afin d’assurer le développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des géné¬rations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins » ; puis à l’art. 6, selon lequel « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable.
A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ». On va donc assister à une « environ- nementalisation » de toutes les politiques, qui est déjà bien entamée puisque dès 1976, le droit de l’urbanisme a dû intégrer l’environnement. Il en a été de même pour le droit des transports (1982), la politique agricole et l’aménagement du territoire (1995), la politique des pêches et cultures marines (1997), la production et la desserte de l’électricité (2000), et même les marchés publics (2004).
Cette extension du souci de l’environnement dans tous les secteurs d’activités n’est que la reprise en droit français d’un principe figurant à l’art. 6 du traité de Maastricht : « Les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de la Communauté visées à l’art. 3, en particulier afin de promouvoir le développement durable. »
B. La Charte et les droits de la personne
La Charte de l’environnement reconnaît à l’art. 1 le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. Il s’agit d’un droit de la personne qui se caractérise par le fait d’être à la fois un droit individuel et un droit collectif. Ce nouveau droit de l’homme a comme débiteurs à la fois l’Etat — qui doit mener une poli¬tique soucieuse de l’environnement — et les particuliers. Autrement dit, l’opposabilité juridique de l’art. 1 concerne aussi bien les personnes publiques que les personnes privées. S’inscrivant dans la lignée des droits de solidarité, la Charte proclame le devoir, donc l’obligation juridique, pour toute personne physique ou morale, de préserver et d’améliorer l’environnement.
C. La Charte et les obligations
Parallèlement, la Charte consacre des principes généraux déjà recon¬nus en droit international ou communautaire de l’environnement. Mais elle le fait selon une formulation qui lui est propre, en évitant le mot principe, sauf pour le principe de précaution, et en préférant reformuler les principes classiques en véritables règles, sous forme d’obligations directement applicables.
Deux obligations s’imposent à toute personne publique ou privée : prévenir les atteintes à l’environnement ou à défaut en limiter les conséquences, et réparer les dommages causés à l’environnement indépendamment des dommages causés aux personnes et aux biens.
C’est la première fois que le droit français reconnaît la nécessité de réparer les dommages écologiques, c’est-à-dire ceux qui affectent l’eau, l’air, la faune sauvage, la biodiversité. Cette réparation des dommages à l’environnement n’est cependant pas intégralement à la charge du pollueur puisque celui-ci ne fait que contribuer à cette réparation.
Le constituant n’a pas voulu énoncer comme tel le principe de « pollueur payeur » — qui figure pourtant dans le traité instituant la Communauté européenne —, de peur que l’opinion ne considère qu’il suffise de payer pour avoir le droit de polluer. A toute personne est ouvert un droit subjectif d’accéder aux informations sur l’environnement et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. La démocratie participative fait ainsi son entrée dans la Constitution grâce à l’environnement, et malgré les vives réticences des élus.
Tous ces principes et obligations constitutionnels sont directement applicables. Cependant, comme pour tous les droits fondamentaux, leur application effective nécessitera parfois des mesures complémentaires qui devront être prises par la loi.
La Charte comporte enfin des mesures d’accompagnement qui insistent sur l’importance de l’éducation, de la formation, de la recherche et de l’innovation dans le domaine de l’environnement.
La Charte doit également inspirer l’action européenne et internationale de la France. Ainsi, la France considère qu’elle a un message à transmettre à l’humanité et à tous les peuples quant à la gravité des atteintes à l’environnement qui menacent la survie de l’humanité.
D. La codification du droit de l’environnement
Les progrès du droit de l’environnement et la multiplicité des textes le concernant ont conduit les pouvoirs publics à regrouper tous les textes applicables au sein d’un code de l’environnement, décision prise en 1991 par le ministre de l’Environnement Brice Lalonde. Après de multiples péripéties parlementaires, le code de l’environnement a été adopté par l’ordonnance du 18 septembre 2000 approuvant la partie législative du code.
La partie réglementaire sera par la suite codifiée progressivement : les institutions et la protection de la nature en 2005, le droit des pollutions et des risques en 2007, en principe.
Comme il s’agit d’une codification à droit constant, il n’y a pas d’innovation par rapport aux textes d’origine, lesquels sont repris mais présentés selon un plan original.
Le grand mérite de cette codification est de rendre le droit de l’environnement facilement lisible et accessible à tous, au lieu d’être dispersé dans de multiples journaux officiels. Cette codification devrait contribuer à une meilleure effectivité du droit de l’environnement, car il est ainsi mieux connu des fonctionnaires, des praticiens et des associations. Elle renforce la légitimité d’un droit nouveau.