Droit de l'environnement : La pression internationale et européenne
A. L’onu
Le droit français de l’environnement est pour une très large part (probablement plus de 80 %) issu du droit international et du droit communautaire. En effet, l’environnement n’a pas de frontières, et les réponses tant scientifiques et techniques que juridiques pour stopper la dégradation de l’environnement ne peuvent être qu’internationales.
La question de l’environnement relève par nature de la mondialisation, à la fois dans ses manifestations (pollution des mers, changements climatiques, perte de la diversité biologique) et dans ses remèdes.
C’est pourquoi l’Organisation des Nations unies (ONU) a entrepris dès 1972 de poser les bases d’une action commune pour la préservation de l’environnement (Conférence de Stockholm) en créant un programme spécial pour l’environnement — le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) — et en fixant le siège de ce programme en Afrique (à Nairobi, au Kenya). Il fallait en effet démontrer que les questions d’environnement n’étaient pas uniquement un souci des pays riches.
La réalité quotidienne de la faim, de la pauvreté et de la sécheresse qui affectent certains pays en développement ne sont pas seulement des problèmes économiques, mais aussi des problèmes de gestion de l’environnement.
Ainsi est d’abord apparu l’« écodéveloppement » puis, avec le rapport de Mme Bruntland, Notre avenir à tous (1998), le « développement durable ». Avec la conférence de Rio de 1992, ce dernier concept deviendra le nouveau porte-drapeau des politiques internationales sur l’environnement.
Le PNUE est destiné à jouer un rôle très important dans l’aide aux pays en développement, mais également dans la pro¬motion du droit international de l’environnement — par le biais de l’élaboration de nombreuses conventions internationales sur l’environnement. A l’initiative de la France, depuis 2005, un groupe d’Etats fait en sorte que le PNUE puisse se transformer en une véritable organisation internationale : une organisation mondiale de l’environnement qui ferait contrepoids à l’organisation mondiale du commerce.
B. Les ONG
Parmi les initiateurs des politiques internationales de l’environnement figurent les organisations non gouvernementales (ONG) telles que Greenpeace, les Amis de la Terre ou le World Wild Fund for Nature (WWF).
Souvent d’origine scientifique, elles formulent des propositions qui conduisent à l’adoption de conventions internationales et elles participent de plus en plus à la négociation et au suivi de ces conven¬tions, devenant ainsi de nouveaux acteurs de la société internationale, représentant la société civile à côté des Etats. On peut évoquer à ce propos le rôle de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), association internationale composée d’Etats et d’ONG. Elle établit la liste rouge des espèces animales et végétales menacées ou en voie d’extinction.
C. Les conventions internationales
Depuis 1971, les États ont adopté et ratifié un nombre impressionnant de conventions internationales sur l’environnement (plus de 300) qui s’imposent à leur législation nationale et encadrent leurs politiques. Citons les plus connus de ces traités. Dans le domaine de la protection de la nature : la Convention de l’Unesco sur la protection du patrimoine mondial naturel et culturel (1972), et la Convention sur la diversité biologique (1992).
Dans le domaine des pollutions : la Convention de Bâle sur les déchets (1989), la Convention de Rio sur le changement climatique (1992) et son protocole de Kyoto (1997). De façon transversale : la Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (1998).
D. La jurisprudence internationale
Le droit, c’est aussi la jurisprudence. Il existe de plus en plus de tribu¬naux internationaux, et les affaires d’environnement commencent à se multiplier à l’échelle internationale. La Cour internationale de Justice (CIJ) située à La Haye et dépendant de l’ONU a rendu un avis consul¬tatif en 1996 sur la menace ou l’emploi d’armes nucléaires, ce qui a été l’occasion pour elle de proclamer que « l’environnement n’est pas une abstraction, mais bien l’espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et leur santé pour les générations à venir ».
Dans une affaire entre la Hongrie et la Slovaquie à propos de la construction d’un barrage sur le Danube, la Cour a jugé en 1997 que « la vigilance et la prévention s’imposent en raison du caractère souvent irréversible des dommages causés à l’environnement et des limites inhé¬rentes au mécanisme même de réparation de ce type de dommage ».
A propos de l’application dans le temps des règles nouvelles de droit de l’environnement, elle a ajouté : « Ces normes nouvelles doivent être prises en considération non seulement lorsque des États envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu’ils poursuivent des activités qu’ils ont engagées dans le passé. »
La CIJ est saisie depuis 2006 d’un litige entre l’Argentine et l’Uruguay à propos de l’installation dans ce dernier pays de la plus grande usine de cellulose du monde, sur les rives du fleuve Uruguay partagé avec l’Argentine.
Le Tribunal international du droit de la mer est de plus en plus conduit à traiter d’environnement marin, et même le Tribunal pénal international pour la guerre des Balkans a jugé comme circonstance aggravante le fait d’avoir ordonné le bombardement de Dubrovnik, ville protégée au titre de la Convention de l’Unesco sur le patrimoine mondial culturel. Quant à l’organe de règlement des différends de l’Orga- nisation mondiale du commerce (OMC), il intervient lui aussi de plus en plus souvent dans des problèmes d’environnement.
E. L’Europe
1. Le Conseil de l’Europe
Au niveau européen, le Conseil de l’Europe a eu un rôle pionnier dès 1962 sur l’eau, l’air, les sols, la nature et l’aménagement du territoire. Il a fait adopter plusieurs conventions régionales sur l’environnement, dont la plus récente est la Convention européenne du paysage (2000).
Le Conseil de l’Europe est aussi le siège de la Cour européenne des droits de l’homme, qui juge des cas de violation des droits de l’homme sur recours des particuliers contre les États Parties à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (1950).
Or, bien que cette convention ne mentionne pas expressément l’environnement, la jurisprudence de la Cour s’est considérablement développée, en reconnaissant indirectement un nouveau droit de l’homme à l’environnement à travers le droit à la vie, le droit au respect de la vie privée et familiale, et la liberté d’expression. Ainsi les associations d’environnement et les militants se sont-ils vu reconnaître le droit de s’exprimer librement sur l’environnement dans le cadre du débat public et de critiquer les pouvoirs publics sans être poursuivis pour diffamation.
2. L’Union européenne
C’est dans le cadre de l’Union européenne que le droit de l’environ¬nement a pris un essor juridique encore plus important dès 1967. Bien que le traité de Rome n’ait donné à l’origine aucune compétence aux institutions de Bruxelles dans le domaine de l’environnement, le Conseil des ministres a pris de nombreuses directives réglementant la pollution de l’eau et de l’air et les déchets afin de limiter les distorsions de concurrence entre Etats membres.
La Cour de justice des Commu-nautés européennes a même déclaré que « la protection de l’environnement est un des objectifs essentiels de la Communauté » (CJCE, 7 février 1985, Association de défense des brûleurs d’huiles usagées).
Le cadre juridique formel d’une action communautaire n’a été institué qu’avec l’insertion de nouveaux articles dans le traité de Rome, avec l’Acte unique européen de 1987, complété par le traité sur l’Union européenne de 1992. Le traité instituant la Communauté européenne contient désormais un titre XIX entièrement consacré à l’environne¬ment (art. 174 à 176).
L’ambition du droit communautaire est clairement affichée : assurer un niveau de protection élevé de l’environnement. Dorénavant, 14 % des textes communautaires sont relatifs à l’environnement, et la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes est particulièrement abondante et généralement plutôt favorable à l’environnement.
A côté des directives sectorielles (eau, air, bruit, déchets, pollutions industrielles, risques technologiques majeurs, organismes génétiquement modifiés, habitats naturels, produits chimiques) ont été adoptées des directives transversales sur les études d’impact sur l’environnement, la responsabilité environnementale, l’information et la participation. Une proposition de directive sur le droit pénal de l’environnement est en examen au Parlement européen, à la suite d’un arrêt retentissant de la Cour de justice des Communautés européennes du 13 septembre 2005, qui reconnaît la nécessité d’un droit pénal de l’environnement pour garantir la pleine effectivité des normes édictées en matière de protection de l’environnement.