L’assimilation du droit
Les conditions
La diffusion
Dans l’histoire des progrès de l’humanité ici de l’homo juridicus on compare volontiers l’invention de l’imprimerie et celle de l’ordinateur. En tout cas, on peut distinguer, dans cette perspective, la diffusion classique et la diffusion par l’informatique.
II est nécessaire que le droit soit accessible à tous, ce que ne facilite pas sa complexité croissante. Les publications des lois et règlements au Journal officiel de la République française n’intéressent pas seulement l’apparition de leur caractère obligatoire et leur mise en vigueur (infra, n° 414). Ceci étant lié à cela, elles permettent la diffusion sans laquelle l’obligation de se conformer à des règles secrètes serait inconciliable avec la liberté (sur l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, v. infra, n° 398). Dans un ordre d’idées voisin, la rédaction des coutumes, la motivation et la publication des décisions de justice sont les conditions mêmes du caractère obligatoire de la coutume et de la jurisprudence. Un raisonnement comparable pourrait être développé au sujet de toutes les manifestations du droit objectif. D’où l’existence de questions liées à l’accès à la connaissance, étant observée
qu’en principe, de quelque manifestation du droit objectif qu’il s’agisse droit coutumier ou droit écrit, droit jurisprudentiel ou droit légiféré, l’écrit est le véhicule indispensable de la diffusion du savoir juridique.
a) Parce que la coutume se forme par l’usage, sans décision écrite, elle est en principe difficile à connaître. La prise de connaissance de la coutume peut cependant être facilitée par l’existence de recueils qui relatent les usages principaux en certaines matières. Il existe ainsi un certain nombre de recueils privés qui rapportent, par exemple, les usages relatifs à la propriété foncière, ou ceux appliqués dans des places de commerce. De tels recueils n’ont qu’une simple valeur documentaire et, en cas de litige, ne s’imposent pas au juge. On observe parfois une constatation officielle des coutumes sous le contrôle de l’autorité publique. Il y a eu un exemple célèbre dans l’Ancien droit avec la rédaction officielle des coutumes (supra, n° 47). A l’époque contemporaine, on peut citer comme manifestation de la rédaction des coutumes, la constatation des usages généraux observés à propos de maintes opérations commerciales. En principe, la rédaction officielle d’une coutume n’en change pas la nature; elle ne devient pas, pour autant, loi. Une telle rédaction ne fait donc pas obstacle à ce que l’usage puisse évoluer; mais il faut reconnaître qu’il tend alors à se figer.
b) Pour avoir une vision complète et juste de ce qu’est le droit positif, il ne suffit évidemment pas de consulter les codes et les lois, il faut connaître et savoir analyser l’application que la jurisprudence en a faite, l’interprétation qu’elle en a donnée. Sans l’être tous loin de là, et l’écart se creuse les arrêts de la Cour de cassation sont publiés au Bulletin officiel des arrêts de la Cour de cassation. Il n’en demeure pas moins que la jurisprudence connue ne représente qu’une faible fraction dans l’immense masse des décisions : les recueils privés publient les décisions les plus intéressantes qui leur sont fournies notamment par les « correspondants » avec qui leurs rédacteurs ont pu nouer des contacts auprès des diverses juridictions.
c) La diffusion des lois et règlements s’opère premièrement par l’intermédiaire du Journal officiel. Divers bulletins officiels ou privés servent à la diffusion des normes qui prolifèrent, en particulier de celles qui sont émises par nombre d’autorités administratives indépendantes.
La documentation
On ne saurait présenter ici une documentation exhaustive. L’on se contentera donc de fournir quelques informations documentaires soit générales, soit principalement relatives au droit civil.
La diffusion par l’informatique
Le développement de l’informatique, entraînant l’apparition de précieuses banques de données est de nature à faciliter l’activité juridique et même à modifier profondément le travail quotidien des juristes. Pour le comprendre, il convient d’observer que le droit est doublement concerné par le développement de l’informatique.
Il l’est, tout d’abord, dans la mesure où le développement de celle-ci, de ses avantages mais aussi de ses dangers, spécialement pour les libertés, appelle des réactions d’ordre juridique. C’est d’ailleurs pourquoi la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés dispose que l’informatique « doit être au service de chaque citoyen » et « ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques » (L. 6 janv. 1978, art. 1er).
C’est d’une autre relation entre l’informatique et le droit qu’il s’agit présentement. Ce qu’on envisage, c’est l’apport de l’informatique au développement du droit. Et c’est en ce sens qu’il convient de faire état de l’informatique juridique. L’on considère que celle-ci n’est pas, à proprement parler, une science, « mais un langage technique offert aux sciences pour leur proposer de nouveaux modes d’expression et d’action ».
La principale fonction de l’informatique juridique est documentaire. Face à la multitude croissante des textes lois, décrets, arrêtés, circulaires, recommandations, directives, etc. et des décisions judiciaires, compte tenu aussi d’une accélération évidente de la vie juridique dans la société industrielle ou post-industrielle, l’informatique juridique se signale, dès à présent, par un bilan impressionnant.
L’automatisation des règles et des décisions sous des formes plus ou moins perfectionnées, et surtout au moyen d’ordinateurs de puissance grandissante, permet une concentration d’une telle quantité de données que l’activité du juriste législateur, juge, praticien… et même du profane peut s’en trouver transformée, quant à l’étendue de la matière traitée et quant à la vitesse avec laquelle la machine peut retrouver l’information souhaitée. A mesure que ces procédés se perfectionnent au sujet de la façon de traiter la matière juridique mise en mémoire des données, modes de sélection de celles-ci au moment de l’utilisation, sortie des réponses, se réalise une adaptation de l’informatique à l’expression juridique de nature à réduire le temps de recherche. Ajoutons que, même en ce qui concerne la seule fonction documentaire, on ne saurait imaginer en tous domaines une information exhaustive totalement automatisée, ne serait-ce que parce qu’il faudrait connaître très exactement les frontières du phénomène juridique. Au demeurant, le développement de l’informatique juridique enrichit de saisissante manière la compréhension et la connaissance des sources, réelles ou formelles, du droit pas plus que la sociologie juridique (infra, n°391), l’informatique ne peut créer la règle de droit, ni l’ordinateur se substituer au législateur, au juge, au praticien ou au profane. Outre la nature normative du droit, les caractères du phénomène juridique irréversibilité, indétermination, unicité fréquente, … y mettent souvent obstacle. Pourtant l’on peut constater qu’il existe aussi, dans la perspective du droit, une fonction scientifique de l’informatique, ce qui dénote quelque parenté avec la sociologie juridique : elle détermine des composantes de la décision juridique; elle peut signaler les conséquences logiques du système préexistant; elle est de nature à indiquer les lignes de cohérence d’un ensemble de règles, passé, présent ou futur. Il n’en a pas moins été soutenu que le développement de l’informatique était générateur d’une crise du droit.