L'identification des personnes physiques: l'identification des personnes physiques
Sa nécessité
La reconnaissance de la personnalité juridique assure l’insertion de l’être humain dans la société globale, sa connaissance et sa reconnaissance par celle-ci.
Ce discernement est nécessaire pour la société, disons, plus juridiquement, pour l’Etat, les administrations, les collectivités locales, qui ont besoin de connaître les citoyens, les électeurs, les contribuables, et toutes sortes de groupes dont le dénombrement est nécessaire à la politique économique et sociale de la Nation. Le développement de l’informatique, propre à alimenter, de puissante et dangereuse manière, le traitement approprié mais éventuellement liberticide de tout un chacun se relie au même genre de préoccupations.
L’identification des personnes physiques est ancienne. Jusqu’à ces dernières décennies, elle se réalisait par des lettres, non par des chiffres, bien que l’existence du matricule militaire ne date pas d’hier.
Le développement de la sécurité sociale atteste de nos jours l’importance grandissante des chiffres, utiles à l’obtention de prestations, mais aussi aux besoins de l’investigation sociologique ou démographique. La société bureaucratique, avec ses formulaires et ses registres, a fait le reste. A quoi il faut ajouter les progrès de la science.
Distinction
L’identification des personnes physiques s’opère principalement de quatre manières, auxquelles correspondent quatre sortes de règles.
Tout d’abord, l’insertion de la personne physique dans la société globale s’opère par sa nationalité. De l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), il résulte que « tout individu a droit à une nationalité » et que « nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité ». La nationalité est considérée comme l’appartenance juridique et politique d’une personne à la population constitutive d’un Etat. V. supra, nos 80, 93.
Le rattachement de la personne physique s’opère aussi par sa désignation, c’est-à-dire par son nom , lequel peut être considéré, dans une certaine mesure, comme une institution de police civile.
Un troisième mode d’identification est d’ordre spatial. Il a trait à la localisation de la personne, qui résulte en principe de son domicile. La société globale n’est pas non plus indifférente à cette donnée qui permet de situer les personnes physiques quant à leur vie personnelle, familiale, professionnelle, publique.
Enfin on observera que la tenue de registres d’état civil, dans lesquels sont inscrites, transcrites ou mentionnées les principales données constitutives de l’état d’une personne, présente de multiples utilités pour l’Etat comme pour les personnes physiques, lesquelles sont appelées fréquemment à rapporter la preuve de leur état civil.
Ces divers mécanismes d’identification présentent, plus ou moins il est vrai, un certain caractère hybride tenant au fait que l’identification d’une personne imprègne naturellement, dans la conscience, l’inconscient ou le subconscient, son image, son personnage, mieux
encore sa personnalité. Qui dit identification, dit aussi, en maintes circonstances ou en maints aspects, identité de la personne, si ce n’est droit de celle-ci à sa différence, si ce n’est à son secret, à ses secrets.
On se bornera ici à des observations sommaires relatives au nom et au domicile.
Le nom
C’est l’appellation servant à désigner une personne physique dans sa vie sociale et juridique, dans l’exercice de ses droits et l’accomplissement de ses devoirs. Cette appellation se décompose en plusieurs éléments : essentiellement le nom patronymique et ses accessoires, parmi lesquels les prénoms.
A titre originaire, le nom patronymique d’une personne physique résulte habituellement d’un rapport de famille 2, en raison d’un lien de filiation ou de mariage. C’est ainsi que l’enfant légitime prend le nom de son père (sur les enfants naturels, v. art. 334-1 s., c. civ.; sur les enfants adoptifs, v. art. 357, al. 1er, et 363, c. civ.). Mais cet enfant légitime peut, à son nom patronymique ainsi déterminé, ajouter, à titre d’usage, le nom de sa mère en application de l’article 43, alinéa 1er, de la loi du 23 décembre 1985, suivant lequel «toute personne majeure peut ajouter à son nom, à titre d’usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien ». Du fait du mariage, chacun des époux a un droit d’usage du nom de son conjoint, droit qu’utilise souvent dans notre société la femme mariée. Sous réserve de diverses exceptions et tempéraments, à la suite du divorce, chacun des époux reprend l’usage de son nom (art. 264 c. civ.). Le changement de nom patronymique a longtemps été subordonné à des conditions assez strictes (L. 11 germinal an XI, Titre II), ce qui illustrait le fait que le nom soit considéré non seulement comme l’objet d’un droit subjectif, mais aussi comme une institution de police civile 3. Désireuse de simplifier les règles existantes et d’alléger les pratiques constatées, la loi du 8 janvier 1993 a cependant abrogé la loi du 11 germinal an XI et inséré dans le code civil (art. 61 s.) des dispositions propres à élargir et à faciliter les règles relatives au changement de nom. A l’idée suivant laquelle le nom est une institution de police civile, on rattachera l’obligation, imposée à chacun, de porter son nom dans la vie juridique (art. 99 c. civ.).
Loin d’être seulement une institution de police civile, le nom est l’objet d’un droit subjectif. Pour bien marquer l’appartenance du nom patronymique à la personne physique, la jurisprudence a été souvent portée à considérer le droit au nom comme un droit de propriété, semblable au droit qu’une personne peut avoir sur tel ou tel élément de son patrimoine. Mais cette analyse est de nature à faire considérer le droit au nom comme présentant les caractères d’un droit patrimonial cessible, transmissible (par succession), saisissable … Or, le droit au-» nom découlant d’ailleurs, la plupart du temps, de rapports de famille, cela est de nature à refouler l’idée d’un rattachement à tel ou tel patrimoine individuel. En outre, il est admis que le droit d’une personne sur son nom patronymique est incessible : elle ne peut se dépouiller en le cédant, car il est trop lié à sa personnalité. C’est pourquoi on est porté à y voir un droit de la personnalité, comme le droit à l’honneur, le droit au respect de la vie privée, le droit à l’image … (v. infra, n° 351).
Le domicile
Sous l’Ancienne France, la localisation de la personne présentait une grande importance, spécialement du fait que le droit n’était pas unifié : le domicile constituait un important élément de rattachement lorsqu’il s’agissait de déterminer le droit applicable à des relations de droit privé. Depuis la rédaction du code civil, cet intérêt a disparu. Mais nombre d’intérêts pratiques demeurent attachés à la détermination du domicile d’une personne physique, par exemple en droit civil quant au lieu du paiement (art. 1247 c. civ.) ou, en matière de procédure civile, quant à la compétence territoriale (art. 43 NCPC).
De l’article 102, alinéa 1er, du code civil, il résulte que « le domicile de tout Français, quant à l’exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement ». Ce mode de rattachement n’est pas unique. Il coexiste avec la notion, plus concrète, de résidence qui, suivant les cas, le concurrence ou le remplace. En principe, le domicile est volontaire, c’est-à-dire qu’il est choisi librement et résulte de la coexistence d’un élément matériel le principal établissement et d’un élément intentionnel – la volonté de l’intéressé de fixer là son principal établissement. Il arrive aussi que le domicile, dit alors légal, soit déterminé par la loi. C’est ainsi que « le mineur non émancipé est domicilié chez ses père et mère. Si les père et mère ont des domiciles distincts, il est domicilié chez celui des parents avec lequel il réside » (art. 108-2 c. civ.).
Les caractères du domicile attestent la coexistence de considérations d’intérêt général et d’intérêt privé, tenant d’une part à des nécessités de police ou de politique, d’autre part à des préoccupations de protection de l’intimité de la vie privée. D’abord, le domicile est nécessaire en
ce sens que toute personne a un domicile, lequel présente donc un caractère obligatoire, si difficile qu’en puisse être la détermination. En outre, le domicile est unique, une personne ne pouvant avoir qu’un domicile, ce qui s’expliquait surtout autrefois par des raisons d’ordre politique, ce qui s’accompagne aujourd’hui de tempéraments ou d’exceptions, d’origine légale, jurisprudentielle ou volontaire. Enfin le domicile est inviolable : des sanctions pénales de prison et d’amende, prévues à l’article 226-4 du nouveau code pénal, frappent « l’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ». Il y aurait d’ailleurs, de la sorte, une atteinte à la vie privée de celui-ci contraire à l’article 9 du code civil (v. infra, n° 350). Ajoutons que les constats, perquisitions ou visites domiciliaires au domicile des particuliers sont entourés de garanties particulières, qu’imposent d’ailleurs les déclarations, conventions et pactes internationaux (Décl. univ. des droits de l’homme, art. 12; Conv. europ. des droits de l’homme, art. 8; Pacte des Nations Unies sur les droits civils, civiques et politiques, art. 17).