La mise en œuvre du droit communautaire
Le droit communautaire est mis en œuvre conjointement par les Etats membres et par les institutions communautaires.
A. Le rôle des États membres
1. Le devoir de coopération impose aux Etats membres de prendre « toutes mesures générales et particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du […] traité ou résultant des actes des institu¬tions de la Communauté », de faciliter « l’accomplissement de sa mission » et de s’abstenir « de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du […] traité » (art. 10 CE). Les Etats, qui disposent d’un pouvoir général d’exécution du droit communautaire, ont en effet l’obligation de tout faire pour assurer Yeffet utile de l’ensemble de ses dispositions (CJCE, 12 octobre 1970, Scheer), sous peine de manquement (CJCE, 17 février 1970, Commission c/Italie).
2. L’autonomie institutionnelle et procédurale dont ils disposent leur permet toutefois de mettre en œuvre le droit communautaire conformément aux règles de leur système constitutionnel (CJCE, 15 décembre 1971, International Fruit Company), à condition toutefois qu’elles puissent « se concilier avec la nécessité d’une application uniforme » (CJCE, 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor) et « effective » (CJCE, 10 juillet 1997, Palmisani) du droit communautaire.
B. Le rôle des institutions communautaires
L’équilibre des pouvoirs qui caractérise la structure institutionnelle de la Communauté constitue une garantie fondamentale accordée par le traité (CJCE, 13 juin 1958, Meroni). Au sommet se trouvent les Conseils européens, qui jouent un rôle essentiel à côté des institutions communautaires proprement dites (Parlement européen, Conseil, Com¬mission, Cour de justice et Cour des comptes), dont la liste est limitative¬ment fixée par le traité (art. 7 CE).
1. Les Conseils européens
Nés de la pratique des « Sommets européens » lors du Sommet de Paris (9 et 10 décembre 1974), les Conseils européens ont vu leur existence consacrée par l’Acte unique européen (AUE) en 1986. Ils constituent l’instance décisionnelle suprême de l’UE. Ils réunissent au moins deux fois par an (en juin et en décembre) les chefs d’Etat ou de gouvernement des États membres, ainsi que le président de la Commission, assistés de leurs ministres des Affaires étrangères et d’un membre de la Commission, sous la présidence du chef d’Etat ou de gouvernement de l’État qui préside le Conseil. Ils sont essentiellement appelés à donner à l’Union « les impul¬sions nécessaires à son développement » et à en définir « les orientations politiques générales » (art. 4 UE), mais ils peuvent également discuter de sujets autres que ceux relevant de la compétence de la Communauté. À l’origine de toutes les grandes réformes communautaires (conditions relatives à l’adhésion d’un État, union économique et monétaire, politique agricole commune, Charte des droits fondamentaux, traité constitutionnel…), ils jouent également un rôle important en matière de politique étrangère et de sécurité commune. Ils présentent au Parlement un rapport sur chacune de ses réunions et un rapport annuel concernant les progrès de l’Union.
2. Le Conseil de l’UE
Formé des ministres des Affaires étrangères (Conseil des Affaires générales) ou de ministres techniques (Conseil des Affaires spéciales) habilités à engager leur gouvernement, et présidé à tour de rôle par chaque Etat membre pour six mois, le Conseil de l’UE est le principal organe de décision communautaire. Il est à l’origine du droit communautaire dérivé, qu’il adopte sur proposition de la Commission, après avis (iconsultation) ou accord (codécision) du Parlement européen. Ses réu¬nions sont préparées par le Comité des représentants permanents (Coreper), qui s’appuie sur des groupes de travail composés d’experts nationaux et sur le secrétariat général du Conseil. Il se prononce le plus souvent à la majorité qualifiée (255 voix sur 345), chaque Etat étant crédité d’un nombre de voix proportionnel à son importance démographique, parfois à l’unanimité (adhésion, fiscalité, politique sociale…), et très rarement à la majorité simple (règlement intérieur du Conseil, organisa¬tion de son secrétariat général, statut des comités…).
3. La Commission européenne
Cette Commission, qui comporte actuellement vingt-sept membres (un par État), dont un président et cinq vice-présidents, nommés pour cinq ans par les chefs d’État ou de gouvernement (majorité qualifiée), après approbation du Parlement européen, est la « garante de l’intérêt communautaire » (CJCE, 18 mars 1980, Valsabbia). Elle est donc d’abord tenue de veiller à l’application du droit communautaire, tant par les États membres que par les institutions de l’Union ou par les entreprises, contre lesquels elle pourra parfois même prononcer des sanctions. Elle remplit ensuite une « mission générale d’initiative » visant à faciliter l’intégration européenne (CJCE, 26 février 1976, Sadam), en matière normative aussi bien que budgétaire ; elle participe en effet « à la formation des actes du Conseil et du Parlement européen » (art. 211,2e tiret CE), qui ne peuvent en principe se prononcer que sur ses propositions, et est ainsi à l’origine de la quasi-totalité des règlements et directives communautaires. Elle dispose également, depuis l’AUE, (art. 202, 3e tiret) et par délégation du Conseil, d’une compétence générale d’exécution des règles de droit dérivé, dont les modalités d’application, fixées par la décision « comitologie » du 13 juillet 1987 (remplacée par celle du 28 juin 1999), permettent à des comités institués par le Conseil de l’encadrer dans l’exercice de ces attributions.
4. Le Parlement européen
Il représente les « peuples des Etats réunis dans la Communauté » (art. 189 CE) et se compose de 785 députés, élus pour un mandat de cinq ans renouvelable, au suffrage universel direct depuis les 7 et 10 juin 1979 (acte du 20 septembre 1976), mais selon des modalités différentes dans chaque pays. Chacun dispose d’un nombre de sièges proportionnel à sa population (78 pour la France). Le Parlement, qui siège à Strasbourg (sessions plénières), à Bruxelles (sessions addition¬nelles et commissions permanentes) et à Luxembourg (secrétariat général) participe à l’exercice du pouvoir législatif et budgétaire.Toutes les fois qu’il n’est pas consulté par le Conseil en matière législative (pro-cédure consultative), il partage avec lui le pouvoir normatif [procédure de codécision). Son accord sera également requis (avis conforme) dans un cer¬tain nombre d’autres cas (adhésion de nouveaux Etats membres, accords d’association, violation des droits fondamentaux…). Il exerce également un contrôle politique sur les institutions communautaires (censure de la Commission).
5. La Cour de justice des Communautés européennes
La CJCE, qui siège à Luxembourg, comprend 27 juges (un par Etat membre) et 8 avocats généraux (chargés de « présenter publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions moti¬vées sur les affaires soumises à la Cour »), nommés d’un commun accord par les États membres pour un mandat de six ans renouvelable.
Elle a pour mission d’assurer le respect du droit communautaire. Elle peut être saisie de recours directs (en manquement, en annulation, en carence, en réparation, et exception d’illégalité) et se prononcer sur renvoi préjudiciel à la demande d’une juridiction d’un Etat membre, soit pour interpréter le droit communautaire, soit pour apprécier la validité d’un acte de droit dérivé (saisine obligatoire pour les juridictions suprêmes en cas de problème d’interprétation, et pour toute juridiction en cas de problème de constatation d’invalidité). Depuis 1989, elle est assistée d’un tribunal de première instance (27 juges), dont les décisions peuvent faire l’objet d’un pourvoi devant la Cour, et depuis 2004, d’un tribunal de la fonction publique (7 juges) qui constitue la première cham¬bre juridictionnelle communautaire spécialisée.