La preuve en droit
Présentation
La preuve dans la réalisation du droit se ressent de son contexte et de son objet. Il ne s’agit pas de métaphysique, d’une preuve de l’existence de Dieu, par exemple suivant la démarche cartésienne. Il ne s’agit pas non plus d’une preuve scientifique, quelles que puissent être les vicissitudes et les aléas du déterminisme. Relevant de la « raison pratique » elle n’est même pas destinée à servir de démonstration de quelque impératif. Plus concrète et réaliste, au demeurant indispensable, elle est destinée, dans toutes les situations que couvre le juridique, à démontrer les données de fait et les solutions de droit qui lui sont adaptées, ainsi que l’exige, dès qu’on en reconnaît l’existence, le phénomène juridique.
Elle est la démonstration de la véracité d’une prétention affirmation et négation jusqu’à ce que soit établie sa fausseté ! Ainsi celui qui démontre, en produisant une reconnaissance de dette, que son signataire lui doit une somme d’argent à titre de remboursement d’un prêt, pourra en obtenir le paiement, par contrainte judiciaire s’il le faut. Le terme de preuve sert aussi à désigner les procédés techniques utilisés pour établir l’existence de ce fait et de ce droit, afin de soutenir une certaine prétention juridique. Ainsi les preuves procédés et résultats servent à établir l’existence d’une situation juridique. L’ampleur du problème est sans limites : existence, vérité, volonté. L’importance du système probatoire est centrale en droit : il est à la charnière du système et du sujet de droit.
Importance de la preuve
L’importance du système probatoire est centrale en droit. Dire, c’est peut-être faire, mais ce n’est pas prouver. Du moins cela ne suffit pas, faute d’accord même implicite sur le dire d’autrui. Il faut davantage, sinon n’importe quelle affirmation porterait en germe une atteinte aux choses établies. Établies en vertu de quoi, c’est une autre affaire. Mais ce qui est établi est présumé conforme à une certaine réalité que le droit s’emploie à considérer, de prime abord. En d’autres termes l’apparence porte en elle-même une justification apparente probatoire de l’apparence.
Il n’en demeure pas moins que deux considérations complètent ces affirmations liminaires.
D’une part, le droit positif ne peut négliger la recherche de la véracité des faits et des droits, sans risquer de constituer un système d’attribution ou de refus de prérogatives indépendamment et en dehors de la vie naturelle et sociale, ce qui ferait courir de grands risques aux libertés.
D’autre part, à l’échelle de la personne, il ne suffit pas d’être titulaire d’un droit ou de se trouver dans une certaine situation juridique pour obtenir satisfaction. En effet, la personne ne pourra efficacement se prévaloir d’un fait, d’un droit, d’une situation, que si elle est capable d’en prouver l’existence. Certes, le droit subjectif et la preuve de ce dernier sont fondamentalement distincts : le droit ne dépend pas, dans son existence, de la preuve qui peut en être apportée. Mais la dépendance existe quant à l’efficacité. En effet, concrètement, l’absence de preuve interdit au titulaire de se prévaloir efficacement de son droit et d’obtenir les effets juridiques qui lui sont attachés. C’est pourquoi l’on affirme traditionnellement, depuis le droit romain, que n’avoir pas de droit et ne pouvoir le prouver sont une situation équivalente pour la personne.
Ainsi, des exigences de preuve jalonnent la vie juridique. Elles peuvent exister en dehors de toute contestation en justice. Une personne peut être tenue de justifier de sa situation ou de son droit, sans qu’il y ait procès, soit dans ses relations avec d’autres particuliers, soit dans ses relations avec l’Administration : ainsi celui qui veut se marier doit prouver notamment qu’il a atteint l’âge requis et, s’il a déjà été marié, que sa précédente union est dissoute. Mais la question de preuve se pose aussi à l’occasion d’un litige, car celui qui veut obtenir du juge qu’il statue favorablement sur sa prétention doit lui apporter, avant tout, la preuve de son exactitude : ainsi l’enfant, représenté par la mère, qui veut obtenir une pension alimentaire à la charge du défendeur, doit démontrer un lien de paternité. La question de preuve est ici incidente par rapport à une question de fond. Le mécanisme du procès (infra, nos 601 s.) appelle nécessairement celui de la preuve et le juge ne peut statuer sans avoir analysé, même sommairement, les éléments de preuve qui lui sont présentés. Dans l’exemple choisi, la preuve de la paternité conditionne la réponse qui sera faite à la demande de pension alimentaire. Mais il arrive qu’une instance judiciaire n’ait lieu qu’à seule fin d’obtenir une preuve, la partie désirant obtenir la collaboration de la justice pour qu’une preuve soit constituée et conservée, afin de se ménager une possibilité de former, ultérieurement, une demande en justice. Cette action préventive, qu’on a pu appeler le « référé-probatoire » , est régie par l’article 145 du nouveau code de procédure civile.