Le sources du droit : Le politique subordonné au droit
Si l’on pense que le droit est dans la loi, alors l’autorité politique qui entend façonner un ordre utilise pour ce faire le moyen de la loi. Autrement dit, le politique précède le juridique. Au contraire, lorsque l’on pense que le droit est dans la justice et qu’il doit refléter un ordre, le rapport au politique est très exactement inversé : le politique est subordonné au droit.
Cela se traduit tout d’abord par le fait que l’autorité politique n’a pas la maîtrise de la production du droit. Les sujets du roi au Moyen Age sont soumis pour partie aux coutumes qui échappent au roi, au droit romain dont il n’est pas l’auteur, et encore au droit canonique (le droit de l’Église catholique), sur lequel il n’a pas d’influence directe. Que lui reste-t-il ? Essentiellement la loi, mais on a vu que le pouvoir législatif royal est extrêmement faible. Il est faible parce cette autorité politique ne peut pas modifier l’ordre constitutif d’une société qui le précède. C ‘et ordre constitutif est fait de droits particuliers qui lui sont inaccessi¬bles et sur lesquels il ne peut guère agir. Quels sont ces droits particuliers ?
1.Les droits particuliers
Il y a d’abord les coutumes, qui sont conçues comme des libertés par i eux qui sont régis par elles, libertés au sens où elles sont approuvées par les sujets de droit, mais aussi au sens où l’autorité politique ne peut y porter atteinte.
11 y a aussi les privilèges, qui appartiennent de toute éternité à tel groupe social (le clergé et la noblesse ne sont pas soumis à la taille l’impôt destiné à financer la guerre), à tel groupe professionnel (les corporations s’auto-organisent), à tel groupe local (certaines provinces consentent à l’impôt tandis que telles autres non), etc. Ces privilèges qui sont présen¬tes comme des droits « accoutumés » (passés en coutumes) sont difficiles a met ire en cause, toujours au motif que le roi est soumis au droit, et spécialement aux droits particuliers. Et lorsque telle ordonnance ou tel édit du roi vient à porter atteinte à tel ou tel droit, les parlements (cours de justice supérieures ou « souveraines » sous l’Ancien Régime) ne manquent pas de le « remontrer » au roi. Et les juges ne manquent pas de rappeler à l’occasion qu’ils sont les gardiens des droits des sujets du royaume.
2. L’autorité politique
Quel est le rôle de l’autorité politique dans un tel système ? Elle est essentiellement de répartir équitablement les droits, les privilèges et les libertés des uns et des autres. L’intérêt général ne se présente pas comme étant en surplomb des droits particuliers et d’une autre nature : il consiste à ne pas se montrer injuste en ôtant ou en reconnaissant trop de droits ou de privilèges aux uns au profit ou aux dépens des autres. Dans cette vision de facture nettement thomiste, le politique consiste donc à départir, à répartir, à partager équitablement les droits et les libertés des uns et des autres dans le respect de l’ordre préexistant et établi de toute éternité. En agissant uniquement à la marge, en corrigeant les injustices, l’autorité politique s’efforce de réformer tout en se conformant à un ordre supérieur. C’est pourtant à la faveur de cette action prétendument anti-volontariste que la monarchie absolue va se construire, et avec elle l’État moderne.