Les droits patrimoniaux
Présentation
Certains droits ont une valeur pécuniaire; ils sont appréciables en argent. On les appelle droits «patrimoniaux», car dans la conception classique du patrimoine, celui-ci ne comprend que des droits et obligations de valeur pécuniaire, d’ordre économique. Il en est ainsi, par exemple, du droit de propriété ou du droit de créance, tel le droit pour le bailleur de recevoir un loyer pour la chose louée, car on peut dire ce que vaut un droit de propriété, de même qu’on peut évaluer une créance.
Les droits patrimoniaux constituent des biens. Ce mot peut être pris dans deux sens : dans un sens étroit et matériel, les biens sont les choses qui sont l’objet du commerce juridique entre les hommes (une maison, un domaine, un tableau, …) ; dans un autre sens, plus abstrait et plus juridique, les biens ce sont les droits divers permettant de se procurer le bénéfice des choses (droit de propriété, droit de créance) ; en droit et en fait, ce sont ces droits, beaucoup plus que les choses elles-mêmes, qui entrent dans le patrimoine.
Etant appréciables en argent, les droits patrimoniaux ont une valeur d’échange; ils sont cessibles à un nouveau titulaire; le moyen le plus utile de s’en servir, c’est souvent de les céder, de les échanger contre d’autres droits; ils sont également transmissibles aux héritiers et aux légataires du titulaire, saisissables par ses créanciers ; la saisie est suivie de la vente des biens, qui dégage la valeur pécuniaire, le prix obtenu étant distribué entre les créanciers. Les droits patrimoniaux sont enfin prescriptibles et donnent prise soit à la prescription acquisitive, soit à la prescription extinctive.
La principale distinction des droits patrimoniaux est celle des droits réels et des droits personnels.
Les droits réels
Le droit réel confère à son titulaire un pouvoir direct et immédiat sur une chose, ce pouvoir s’exerçant sans l’entremise d’une autre personne : le propriétaire d’une chose l’habite, la vend, la loue … ; l’usufruitier d’un domaine en perçoit les fruits sans avoir à s’adresser à une personne quelconque. Le droit réel repose sur l’existence de deux éléments : la personne, sujet actif du droit réel, titulaire de ce droit, et la chose, objet du droit; c’est un droit direct sur la chose (jus in re), même si le commerce avec les autres personnes permet généralement de tirer les avantages attachés au droit réel.
Des choses appropriées et des choses sans propriétaire
La plupart des choses sont l’objet d’un droit de propriété, le propriétaire pouvant être un particulier, une société, une association, une collectivité publique, comme l’Etat, un département ou une commune. Cependant, il existe des choses non appropriées, des choses sans maître. Il y a des choses communes, par exemple l’air, l’eau de la mer et les eaux courantes. Elles n’appartiennent à personne parce qu’il faut que l’usage en soit commun à tous (art. 714, al. 1er, c. civ.). Quant aux choses sans maître, elles ne sont pas appropriées, mais elles sont appropriables.
Biens des personnes privées et biens du domaine public
Si « les particuliers ont la libre disposition des biens qui leur appartiennent, sous les modifications établies par les lois » (art. 537, al. 1er, c. civ.), « les biens qui n’appartiennent pas à des particuliers sont administrés et ne peuvent être aliénés que dans les formes et suivant les règles qui leur sont particulières » (al. 2).
Les biens qui n’appartiennent pas à des particuliers et sont administrés par les personnes morales de droit public se subdivisent en biens du domaine public et biens du domaine privé de l’Etat ou des collectivités publiques (départements, communes ….). Certains biens appartiennent aux personnes morales publiques de la même manière qu’à des particuliers. Ainsi l’Etat a sur les forêts domaniales les mêmes droits que le propriétaire d’une forêt privée sur celle-ci. Ces biens forment ce qu’on appelle le domaine privé. D’autres biens une route nationale, un port, … relèvent des collectivités publiques d’une manière qui leur est propre, en ce qu’elle est inséparable de leur vocation au bien commun; ils forment le domaine public.
Classification des choses et ordre économique
L’insertion et l’utilisation des choses dans l’ordre économique éclairent plus particulièrement certaines classifications.
a) Choses consomptibles et choses non consomptibles. Les choses consomptibles sont celles qui se consomment du seul fait que l’on s’en sert selon leur destination (denrées alimentaires, combustibles, monnaie …). Lorsque, au contraire, une chose est susceptible d’un usage prolongé, on la dit non consomptible, alors même qu’elle diminuerait de valeur du fait de cette utilisation (maison, meubles meublants).
Seules les choses non consomptibles peuvent être l’objet de droits impliquant, pour leur titulaire, l’obligation de les rendre, après coup, dans leur individualité; lorsque ces droits portent sur des choses consomptibles, leur nature en est affectée : ainsi, lorsque de telles choses sont soumises à un usufruit, celui-ci devient un quasi-usufruit, c’est-à-dire que l’usufruitier devient propriétaire avec charge de rendre, à l’expiration de l’usufruit, soit des choses de même qualité et en même quantité, soit une somme d’argent représentative de la valeur de ces choses.
b) Choses fongibles et non fongibles. Les choses fongibles sont celles qui sont envisagées dans leur genre ou espèce et non dans leur identité, et qui peuvent donc être remplacées indifféremment par d’autres choses semblables, ressortissant au même genre, par exemple des billets de banque, tant de quintaux de blé de telle qualité. Sont au contraire non fongibles les choses qui, dans un certain rapport juridique, sont envisagées dans leur individualité, par exemple telle maison, tel tableau, tel sac de blé, et qu’on ne peut donc remplacer exactement.
La distinction présente de nombreux intérêts. Ainsi le transfert de propriété par le seul effet de la convention suppose que l’objet de celle-ci soit déterminé dans son individualité même, qu’il soit, dit-on,
à l’état de corps certain; lorsque la vente porte sur des choses de genre, déterminées seulement en qualité et quantité, le transfert de propriété est différé et se réalise seulement lors de l’individualisation de la chose vendue, par exemple au moyen d’une marque mise par le vendeur sur la chose vendue ou par la délivrance.
Les meubles et les immeubles. Histoire
Cette distinction est’ fondamentale. Elle présente un caractère général, en ce qu’elle s’applique à tous les biens, donc, au-delà des choses, aux droits, à toutes sortes de droits portant sur des choses. Mieux encore, elle englobe non seulement tous les droits réels = dont il est présentement question , mais aussi tous les droits personnels, ou droits de créance, qui seront indiqués ultérieurement (infra, n° 347). La distinction est aussi applicable aux droits intellectuels, c’est-à-dire aux droits découlant des créations de l’esprit, qui sont considérés comme des meubles.
On conçoit que la possibilité de déplacement d’un bien influe sur sa condition juridique et on comprend cette distinction pour les biens corporels, pour les choses. Mais des raisons historiques expliquent son extension aux biens incorporels, c’est-à-dire aux droits, et l’apparition d’un nouveau critère de distinction, tenant à la valeur et à la productivité.
La distinction des meubles et des immeubles vient du droit romain, mais elle n’y avait pas la même importance que dans le droit français : le critère de la distinction résidait uniquement dans la nature des choses et la classification ne s’appliquait qu’aux choses matérielles. Le régime juridique des meubles et des immeubles n’était d’ailleurs pas foncièrement différent; c’est ainsi que la propriété en était transférée par des procédés identiques et qu’ils comportaient les uns et les autres l’hypothèque.
C’est dans l’Ancien droit que la distinction des meubles et des immeubles a changé de caractère. On voulut également distinguer les biens selon leur valeur ; or, pour les choses matérielles, cette distinction correspondait à celle des immeubles et des meubles. L’importance économique des immeubles, dans un pays d’économie surtout agricole, était considérable; les meubles, comprenant essentiellement les meubles meublants, le numéraire et les bijoux, étaient bien moins importants, et l’on pouvait dire : res mobilis res vilis. L’organisation sociale et politique du pays renforçait par ailleurs l’importance de l’immeuble. Les immeubles et les meubles seront dès lors, quant à l’aliénation, au régime matrimonial, à la dévolution héréditaire, soumis à des règles différentes.
La classification, qui reposait à la base sur un critère physique, trouvait sa justification dans une idée de valeur. Ceci explique précisément que la classification ait été étendue aux choses incorporelles, c’est-à- dire aux droits eux-mêmes, de telle sorte que tous les biens se divisèrent désormais en meubles et immeubles. Et l’on rangea dans la classe des immeubles tous les droits incorporels présentant, par leur stabilité et leur caractère frugifère, quelque importance dans la composition des patrimoines. Ainsi les rentes foncières ou constituées et les offices vénaux ont été considérés comme immeubles.
Le code civil recueillit la classification et en fit une des bases essentielles du droit du patrimoine.
Intérêts de la distinction
Certaines différences entre la condition juridique des meubles et celle des immeubles sont fondées sur leur nature physique. D’autres découlent de considérations d’ordre économique, liées à la valeur des biens.
a) Les différences liées à la nature physique sont justifiées.
L’aliénation des immeubles n’est pas régie par les mêmes règles que celle des meubles. Les aliénations immobilières et les constitutions de droits réels immobiliers sont soumises à des régimes spécifiques de publicité. Pour les meubles, au contraire, il n’y a pas, en principe, de publicité : celle-ci se heurterait à d’énormes difficultés, voire à une impossibilité, réserve faite de certaines catégories de meubles qui sont identifiables, localisables (par exemple, les navires et les aéronefs). Aussi décide-t-on qu’en règle générale, les transactions mobilières sont opposables aux tiers, par elles-mêmes et indépendamment de toute publicité.
Dans le même ordre d’idées, on observe que les immeubles sont susceptibles d’hypothèque, alors qu’en principe, les meubles ne le sont pas, car un régime hypothécaire implique une publicité qui serait inopérante pour la plupart des meubles. Mais lorsqu’une publicité est techniquement réalisable, le législateur n’hésite pas, afin de permettre au débiteur de se servir de ses biens pour accroître son crédit, à instituer de véritables hypothèques mobilières (ex. : hypothèques des navires, des avions). On peut en dire autant d’un certain nombre de gages sans dépossession (nantissement de fonds de commerce, warrants …).
En matière immobilière, la possession ne produit pas les mêmes effets qu’en matière de propriété. Ainsi, lorsqu’une personne a de bonne foi acquis une maison d’une personne qui n’en était pas propriétaire et qu’elle est entrée en possession de la maison, elle n’en devient pas, pour cette seule raison, propriétaire, car nul ne peut transférer à autrui plus de droits qu’il n’en a lui-même. En matière de meubles et à condition qu’il s’agisse de meubles corporels l’acquéreur de bonne foi entré en possession du bien mobilier en devient propriétaire, alors qu’il a pourtant acquis ce bien d’un non-propriétaire (art. 2279 c. civ.). La raison de la différence tient à la nécessité d’assurer la sécurité dans les transactions mobilières : un acheteur ne pouvant vérifier les droits de son vendeur, il est nécessaire d’admettre que celui qui a les apparences de la propriété, c’est-à-dire le possesseur, soit considéré comme propriétaire.
Si une contestation s’élève à l’occasion d’un immeuble, elle doit être jugée par le tribunal du lieu de la situation de cet immeuble. Au contraire, les meubles n’ayant pas de situation fixe, les procès relatifs à des droits mobiliers relèvent en principe de la compétence du tribunal du lieu où demeure le défendeur, ce qui s’entend, s’il s’agit d’une personne physique, du lieu où celle-ci a son domicile ou, à défaut, sa résidence, et s’il s’agit d’une personne morale, du lieu où celle-ci est établie (art. 42 s., NCPC).
b) D’autres différences ont été fondées sur le critère de valeur. L’adage res mobilis res vilis, qui était encore exact à l’époque de la rédaction du code civil, a cessé depuis longtemps d’être conforme à la réalité. La catégorie des choses mobilières s’est de multiples manières diversifiée et enrichie (valeurs mobilières accompagnant le développement du capitalisme; droits intellectuels jalonnant les progrès de la science).
Rien d’étonnant dès lors si, de ce point de vue, les différences entre la condition juridique des meubles et des immeubles se sont sensiblement atténuées (administration légale et tutelle, régimes matrimoniaux). Pourtant des différences subsistent: du côté des voies d’exécution, la saisie d’un immeuble est soumise à des règles bien plus complexes que celle d’un bien mobilier. La vente d’immeubles est rescindable pour cause de lésion de plus des sept douzièmes subie par le vendeur (art. 1674 c. civ.); sauf exceptions liées généralement à des textes de circonstance, la lésion n’est pas sanctionnée en matière de vente mobilière. V. supra, n° 289.
Des droits sur les choses. Les droits réels principaux
Sur les ;choses ainsi présentées, les personnes physiques sont, dans certaines conditions, titulaires de droits réels. La chose est un élément du droit réel. Le droit sur la chose en est l’autre élément.
Parmi les droits réels principaux, le plus important est le droit de propriété. C’est le droit le plus complet qu’une personne puisse exercer sur une chose. Il comprend l’usage (usus) de la chose, le droit d’en tirer tous fruits ou produits (fructus), le droit d’en disposer, soit matériellement, en la consommant, en la transformant ou en la détruisant, soit juridiquement, en cédant le droit que l’on a sur elle (vente, donation) ou en la grevant de droits réels (servitudes, hypothèque) (abu- sus). L’évolution économique et sociale a, depuis la rédaction du code civil, marqué un recul des prérogatives du propriétaire (supra, n° 70).
Parmi les droits réels principaux, on place encore les démembrements de la propriété ou droits réels sur une chose qui est la propriété d’autrui : ces droits réels sont appelés « démembrements de la propriété » en ce qu’ils confèrent à leur titulaire une partie seulement des prérogatives attachées au droit de propriété. Ainsi en est-il de l’usufruit ou droit d’user et de jouir de la chose dont un autre, appelé nu-propriétaire, a la propriété; l’usufruit est un droit viager qui prend fin, au plus tard, au jour du décès du titulaire de l’usufruit. Ainsi en est-il encore de la servitude, charge établie sur un immeuble (dit fonds servant) pour l’utilité d’un autre immeuble (dit fonds dominant), par exemple de la servitude de passage donnant à son titulaire le droit de passer sur le terrain d’autrui.
Les droits réels accessoires
Pour se garantir contre le risque d’insolvabilité de leur débiteur et l’insuffisance du droit de gage général sur le patrimoine du débiteur institué à l’article 2092 du code civil, les créanciers peuvent obtenir des sûretés. II peut s’agir de sûretés personnelles consistant à garantir le créancier, non par l’existence d’un seul débiteur, mais par plusieurs personnes répondant de la même dette, de sorte que le créancier aura plus de chances d’être payé, car si l’un des débiteurs est insolvable, un autre ne le sera peut-être pas. Ainsi trouvera-t-il avantage à l’engagement soit d’un codébiteur solidaire, soit d’une caution. Les sûretés ainsi obtenues sont des sûretés personnelles, reposant sur des droits personnels contre certaines personnes, non pas sur des droits réels portant directement sur des choses.
Les sûretés peuvent être des sûretés réelles, consistant dans l’affectation au payement d’une dette d’un ou de plusieurs biens, appartenant en général au débiteur : le créancier obtient sur le bien qui lui est affecté un droit réel servant de garantie à la dette. Ce sont les droits réels accessoires, accessoires de la créance. Ainsi, le créancier se fera remettre en gage un meuble de son débiteur ou prendra hypothèque sur un immeuble de celui-ci. Ce droit réel ne lui permet pas d’user de la chose de son débiteur, mais seulement de faire servir cette chose à la garantie de sa créance. Il aura ainsi les prérogatives du droit réel : droit de préférence, droit de suite.
Parmi les sûretés réelles, figurent aussi les privilèges. Le privilège s’analyse en un droit, que la loi confère à un créancier en raison de la qualité de sa créance, d’être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires (art. 2095 c. civ.). Certains privilèges sont généraux, la loi conférant à certaines créances dignes de protection un droit de préférence sur tous les biens ou sur tous les meubles du débiteur. Les privilèges spéciaux confèrent au créancier un droit de préférence sur un ou plusieurs biens déterminés.
Les droits personnels ou droits de créance
Le droit personnel, ou droit de créance, est le droit qu’a une personne, appelée créancier, d’exiger une certaine prestation d’une autre personne, le débiteur. Il comporte trois éléments : le créancier, sujet actif du droit, le débiteur, sujet passif, et la prestation, objet du droit. Ce droit, appelé droit de créance, par rapport au sujet actif, se nomme obligation ou dette, si on l’envisage du côté du sujet passif.
Les obligations se divisent en trois grandes catégories :
- l’obligation de donner par laquelle le débiteur s’engage à transférer au créancier un droit réel sur une chose lui appartenant (par exemple, l’obligation assumée par le vendeur toutes les fois que le transfert de propriété ne s’opère pas dès la conclusion de la vente) ; on l’appelle parfois un jus ad rem par opposition au jus in re;
- l’obligation de faire, par laquelle le débiteur s’engage à un fait (l’obligation du peintre qui s’engage à faire un tableau, de l’architecte qui se charge de l’élaboration du plan de construction d’une maison) ;
- l’obligation de ne pas faire, par laquelle le débiteur s’engage à une abstention (un vendeur de fonds de commerce s’engage à l’égard de l’acquéreur à ne pas ouvrir dans la même ville un établissement semblable à celui qu’il cède).
Comparaison du droit réel et du droit personnel
On peut signaler l’existence de trois différences importantes entre le droit réel et le droit personnel ou de créance :
a) Le droit réel, s’exerçant directement sur la chose, est absolu, en ce sens qu’il peut être opposé par son titulaire à toutes autres personnes. Tout autre individu est tenu de laisser le titulaire du droit réel exercer son pouvoir sur la chose. Ce titulaire ne peut d’ailleurs opposer son droit à tout le monde que sous une forme négative ; on doit respecter ce droit, mais aucun acte positif ne peut être exigé d’autrui.
Le droit personnel est relatif: il n’établit de rapports qu’entre le créancier et le débiteur; c’est seulement de ce dernier que le créancier peut exiger la prestation, objet du droit.
La différence entre l’absolutisme du droit réel, d’où découle son opposabilité erga omnes, et la relativité du droit personnel doit toutefois être nuancée. D’une part, l’absolutisme du droit réel comporte une limite inhérente à la publicité : un droit réel ne peut parfois être opposé à certaines personnes que si l’acte constitutif ou translatif du droit a été publié. D’autre part, si le droit personnel est relatif, c’est uniquement au point de vue de son effet obligatoire; abstraction faite de cet effet, le droit personnel est en lui-même opposable aux tiers en tant que fait.
b) Le droit réel comporte le droit de suite : le titulaire d’un droit réel quelconque peut suivre en quelques mains qu’elle passe la chose qui lui appartient ou qui est grevée d’un droit en sa faveur. Ainsi le propriétaire d’un immeuble peut le revendiquer contre tout détenteur; l’usufruitier peut réclamer la chose, pour en jouir, quel que soit le propriétaire de cette chose. Ces solutions découlent naturellement de ce que les droits réels, étant absolus, sont en principe opposables à tous, quel que soit le contradicteur.
Au contraire, le droit personnel n’emporte pas de droit de suite. Deux conséquences découlent de ce principe :
- le créancier n’a qu’un droit de gage général sur le patrimoine de son débiteur; il ne possède aucun droit particulier sur tel ou tel bien de celui-ci; aussi ce dernier pourra-t-il aliéner ses biens jusqu’à ce que le créancier procède à leur saisie; un créancier ordinaire n’a pas le droit de suite sur les biens de son débiteur; il ne peut les saisir entre les mains d’un acquéreur;
- l’absence de droit de suite affecte aussi l’exécution des obligations concernant l’utilisation des choses : après vous avoir promis de vous prêter mon automobile pour un voyage, je la vends ; vous ne pourrez réclamer l’exécution de l’obligation à l’acquéreur nouveau propriétaire; moi seul en suis tenu.
Le droit réel emporte droit de préférence. Comme l’attribut précédent, il s’explique par le large rayonnement du droit réel. S’il y a conflit entre le titulaire d’un tel droit et le titulaire d’un droit personnel, à propos d’une chose, le premier, ayant un droit absolu, opposable à tous, sera préféré au second, qui, par hypothèse, n’a aucun droit contre le titulaire du droit réel. Par exemple, une personne a déposé une chose lui appartenant chez un commerçant ; avant restitution, le dépositaire devient insolvable. Cette situation n’affecte pas du moins en principe et sous réserve des règles relatives à la « faillite » le titulaire du droit réel ; il écartera toute prétention sur la chose ; les créanciers du dépositaire ne pourront saisir le bien qui n’appartient pas à leur débiteur; tel est le résultat de l’obligation négative qui pèse sur tout le monde de ne pas troubler le titulaire du droit réel.