Les modes juridictionnels
La justice arbitrale
On a déjà indiqué, à l’occasion de l’analyse des ordres de juridictions, la distinction de la justice publique et de la justice privée, et la place de l’arbitrage par rapport à ce schéma (supra, n° 95).
Lorsqu’ils ont recours à l’arbitrage, les particuliers qu’un différend oppose confient à une personne privée le soin de le trancher. C’est de leur consentement, et non d’une délégation de l’autorité publique, que l’arbitre tient son pouvoir de juger. Les plaideurs ne se bornent pas à choisir un arbitre : ils le font juge; leur commun accord n’opère pas qu’une désignation : il vaut comme investiture. L’arbitrage est une institution complexe où l’on voit un organe juridictionnel ad hoc, le tribunal arbitral, naître des consentements échangés, la convention d’arbitrage (compromis). Cette convention est un accord sur la procédure : les adversaires renoncent à régler entre eux leur affaire et, au lieu de se donner une solution, ils se donnent un juge dont ils recevront la solution. Ainsi, l’élément conventionnel n’est que le point de départ de l’arbitrage; à l’arrivée, le litige est dénoué selon un mode judiciaire, car l’arbitre est un juge et sa sentence un acte juridictionnel.
Arbitrage et contrat
On appelle compromis « la convention par laquelle les parties à un litige né soumettent celui-ci à l’arbitrage d’une ou plusieurs personnes » (art. 1447 NCPC) et clause compromissoire, « la convention par laquelle les parties à un contrat s’engagent à soumettre à l’arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce contrat» (art. 1442 NCPC).
« La clause compromissoire est nulle s’il n’est disposé autrement par la loi» (art. 2061 c. civ.). Ainsi la clause compromissoire est-elle valable en matière commerciale en application de l’article 631, alinéa 2, du code de commerce (réd. L. 31 déc. 1925).
« L’arbitre tranche le litige conformément aux règles de droit, à moins que, dans la convention d’arbitrage, les parties ne lui aient conféré mission de statuer comme amiable compositeur » (art. 1474 NCPC), c’est-à-dire en équité (supra, n° 13), sans être tenu de suivre, sauf si elles sont d’ordre public, les règles de droit (de fond ou de procédure).
Les articles 1442 à 1507 du nouveau code de procédure civile (réd. décr. 12 mai 1981) réglementent l’arbitrage, tant national qu’international.
L’arbitrage judiciaire
Si elle n’est pas une voie amiable, la voie de l’arbitrage n’est pas non plus celle des tribunaux judiciaires. Là réside son mérite essentiel pour ceux qui l’empruntent. Ils y reconnaissent les avantages des juridictions d’exception (supra, n° 104), joints à ceux d’une justice discrète. Mais il se peut qu’à force de renoncer aux garanties de forme et de fond, les plaideurs s’exposent par trop dépouillés à l’arbitraire. Il est donc normal que la loi n’autorise pas n’importe qui à compromettre sur n’importe quoi (supra, n° 620).
C’est dans un ordre d’idées comparable que l’on peut apprécier l’arbitrage judiciaire tel qu’il est prévu à l’article 12, alinéa 5, du nouveau code de procédure civile, l’arbitre choisi étant alors un juge relevant de la justice étatique et investi de larges pouvoirs, de type arbitral. De ce texte, il résulte en effet que, le litige né, les parties peuvent, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, « conférer au juge mission de statuer comme amiable compositeur, sous réserve d’appel si elles n’y ont pas spécialement renoncé ». Le modelage contractuel du contentieux se manifeste aussi dans la mesure où un accord procédural permet aux plaideurs de demander l’application au fond du litige d’une loi différente de celle que désigne la règle de conflit de lois.