Les présomptions en droit: le droit communautaire
Distinction
Les présomptions sont régies par une section entière du chapitre du code civil consacré à la preuve des obligations (art. 1349 à 1353). On s’accorde à en généraliser la portée au-delà de ce domaine particulier. Elles sont définies à l’article 1349 comme « des conséquences que la loi ou le magistrat tire d’un fait connu à un fait inconnu ».
L’expression sert à désigner deux sortes de présomptions bien différentes. Les unes ici envisagées affectent l’objet de la preuve, soit par déplacement de cet objet (ex. : présomption permettant d’établir la preuve d’une vitesse excessive en analysant les traces de pneus), soit même par exclusion de la preuve; les autres sont relatives à la charge de la preuve, en ce que, sans affecter l’objet de celle-ci, elles modifient
les règles habituelles relatives à la détermination de la personne sur laquelle pèse l’obligation de prouver.
Le déplacement de l’objet de la preuve
II s’agit de la présomption par excellence, celle qui est expressément visée et définie par le code civil, à l’article 1349. Elle constitue un raisonnement probatoire (infra, n° 494), par l’établissement d’un lien logique entre le fait inaccessible à la preuve (objet initial de preuve, « inconnu ») et le fait accessible (objet déplacé de preuve, « connu »). Ainsi, puisque le possesseur d’un bien est le plus souvent le propriétaire, la preuve de la propriété (objet initial de la preuve) sera apportée si le demandeur démontre sa qualité de possesseur (objet déplacé de la preuve). Le lien logique est, dans cet exemple, la coïncidence des deux qualités.
Il n’y a dans ce cas ni renversement de la charge de la preuve, puisque le demandeur a toujours la tâche de prouver son allégation, ni dispense de preuve, puisqu’il a toujours un objet de preuve à satisfaire : simplement, l’objet s’est modifié. Cela démontre l’autonomie de cette catégorie de présomption.
Puisqu’il s’agit d’un raisonnement tendant à la révélation de la vérité, certes d’une façon indirecte, la présomption correspond à la définition même de la preuve (supra, n° 478) : à ce titre, elle doit pouvoir être reçue dès l’instant qu’elle n’est pas exclue.
La technique
Parce qu’il s’agit d’un raisonnement, ce type de présomption est par excellence judiciaire et constitue un mode de preuve à part entière. L’exemple de la preuve de la vitesse par l’usure des pneus, par l’établissement d’un lien logique de causalité entre les deux faits, l’illustre (infra, n° 494). C’est toujours ce type de présomption que l’on vise lorsqu’on parle de présomption du fait de l’homme. Mais la présomption peut être aussi d’origine légale, lorsque le législateur, sans qu’il ait à en justifier, a établi un lien logique entre deux objets de preuve. Ainsi, la preuve positive de la paternité étant difficile, on présume que le père de l’enfant est le mari de la mère (art. 312 c. civ.).
La présomption comme mécanisme de déplacement de l’objet de la preuve peut être d’origine légale ou judiciaire, mais, dans la mesure où elle constitue un raisonnement probatoire, elle ne peut qu’être simple. En effet, du fait de l’incertitude probatoire du déplacement d’objet, et de la faiblesse du lien logique (il arrive que le mari ne soit pas le père, que le possesseur ne soit pas le propriétaire, que les pneus aient été usés par autre chose qu’une vitesse excessive, etc.), l’adversaire doit avoir le moyen de briser la présomption en rapportant la preuve contraire. Un tel raisonnement doit toujours pouvoir être contredit. C’est la condition sine qua non pour qu’il constitue une technique tendant à établir la vérité, pour qu’il constitue une preuve. Si la preuve contraire n’est pas possible, la présomption ne constitue plus alors un déplacement d’objet de preuve, mais une dispense de preuve (infra, n°496).