Les sources des droits subjectifs
Situations juridiques
Tous les comportements sociaux ne sont pas, dans une société et à une époque données, pris en considération par le système juridique, en ce sens que celui-ci ne leur fait pas nécessairement produire de conséquences juridiques : ce piéton qui contemple un paysage, ce lecteur dans une bibliothèque ont sans doute usé de leur liberté; mais leur situation présente n’est pas génératrice d’effets de droit; ce n’est pas une situation juridique.
Si, au contraire, des conséquences juridiques sont attachées à certaines situations on peut dire aussi à certains comportements, il s’agit alors de situations juridiques. Cette expression se comprend aisément si on l’entend de manière générale ; et sans doute convient-il, à son sujet, d’évacuer toute autre approche : il n’y a pas de situations juridiques au sens large et de situations juridiques au sens étroit. Bref, il y a ou il n’y a pas situation juridique.
Il n’en demeure pas moins nécessaire d’admettre l’existence de ce que la doctrine désigne par l’expression de situations défait. Ce sont, en bonne logique, qu’on le veuille ou non, des situations juridiques en ce sens que des conséquences de droit leur sont attachées. Mais, suivant la formule souvent rappelée de Roger Houin, « la situation de fait est une sorte d’ersatz, une sorte de doublet d’une situation juridique bien connue et bien réglementée par la loi » : séparation de fait, société de fait, tutelle de fait … Leur prise en considération se relie à l’idée même de système juridique et aux structures qui caractérisent celui-ci, en tant qu’il est l’expression d’un ordre confronté aux exigences de l’évolution ou du changement.
Faits juridiques
La distinction, au moins liminaire, d’un sens large, et d’un sens sinon étroit, du moins restreint, s’impose au contraire lorsqu’on emploie l’expression de fait juridique.
Au sens large, les faits juridiques sont tous les événements de la vie sociale emportant des conséquences juridiques, c’est-à-dire influant sur la création, la transmission et l’extinction des droits. Ainsi un dommage causé par la faute d’un individu fait naître au profit de la victime une créance en réparation du préjudice subi, un accord entre deux personnes peut transmettre un droit de l’une à l’autre, le décès d’un individu opère transmission de ses droits patrimoniaux à ses héritiers.
Dans une terminologie plus précise, on distingue deux sortes de faits juridiques : les faits juridiques proprement dits et les actes juridiques.
Les faits juridiques au sens étroit sont des situations de fait par exemple la naissance, la mort, l’âge, ou des actions détérioration d’un objet, coup porté, injure, qui entraînent par leur existence même une création, une modification ou une transmission des droits. Ces actions peuvent être aussi bien volontaires que non volontaires ; même si elles sont volontaires, elles demeurent des faits juridiques au sens étroit du terme, dès lors que l’effet juridique qu’elles produisent n’a pas été voulu. Ainsi l’auteur de coups et blessures volontaires doit réparation à la victime; celle-ci a une créance de dommages-intérêts. Cette créance a sa source dans un fait juridique, bien que les coups et blessures aient été volontaires : l’auteur responsable a volontairement frappé ou blessé, mais il n’était pas dans son intention de réparer le préjudice par le versement d’une indemnité pécuniaire; c’est la loi qui impose la réparation.
Ainsi voit-on que tous les comportements inspirés par la volonté humaine ne sont pas des actes juridiques, car les actes juridiques sont des manifestations de volonté accomplies en vue de produire des effets de droit et sans lesquelles ces effets de droit ne se produiraient pas . Ainsi en est-il d’un contrat conclu entre deux personnes afin de faire naître entre elles des obligations, ou encore d’un testament par lequel une personne exprime sa volonté de transmettre en tout ou en partie ses biens à une autre personne, le légataire.
On envisagera successivement les faits juridiques (Section 1) et les actes juridiques.
Les faits juridiques
Distinction
Nombreux sont les faits juridiques. Très divers sont, en effet, les événements qui influent sur les relations humaines. A la différence des actes juridiques, les faits juridiques présentent des variétés innombrables, à l’image de l’infinie diversité des situations juridiques. Divers par les circonstances qui leur donnent naissance, ils le sont aussi par leurs effets, qu’il s’agisse de créer, de modifier ou d’éteindre des droits subjectifs. On distingue les faits involontaires et les faits volontaires.
Les faits involontaires
Fréquence
De nombreux faits juridiques se produisent indépendamment de la volonté de tel ou tel de ceux qui peuvent être plus ou moins directement concernés par ces faits. On est porté à dire qu’il s’agit là de faits naturels, en ce qu’ils seraient le fruit du hasard ou du cours naturel des choses. Cette qualification n’est pas dépourvue d’équivoque, car les faits considérés peuvent être accidentels.
Force est, en outre, d’observer que, si les faits juridiques peuvent se produire indépendamment de tout comportement volontaire, ils ne sont pourtant pas nécessairement exclusifs de toute donnée de caractère volontaire. Ainsi le décès est un fait juridique ; il peut néanmoins être l’effet d’un suicide.
Événements
Des faits juridiques jalonnent la vie des personnes physiques, marquent les étapes de l’existence de la personne : la naissance voire la conception à partir de laquelle les individus sont dotés de la personnalité juridique. Du fait de sa naissance, l’enfant se trouve notamment investi de droits de famille : il peut réclamer des aliments à ses père et mère, venir à leur succession; les parents ont l’obligation d’entretenir et d’élever leurs enfants et la charge d’administrer leurs biens jusqu’à la majorité ou l’émancipation de ceux-ci.
La situation de la personne privée n’est pas indifférente à certaines données juridiques qui peuvent aussi être considérées comme des faits juridiques. Ainsi en est-il de certaines déficiences physiques ou mentales qui peuvent entraîner la mise en tutelle ou en curatelle.
Des événements indépendants de la volonté de l’homme qui est affecté par eux, événements imprévisibles et irrésistibles, par exemple, selon les circonstances, la foudre, un incendie, un naufrage, une guerre, peuvent aussi entraîner des conséquences juridiques. Ils peuvent avoir pour effet de faire échapper une personne à la responsabilité d’un manquement à ses obligations.
Écoulement du temps
Au bout d’un certain temps, le fait d’atteindre l’âge de la majorité fait cesser l’incapacité qui frappe l’individu mineur, considéré jusque-là comme n’ayant pas un développement suffisant pour exercer ses droits Encore faut-il remarquer que si l’atteignement de l’âge de la majorité constitue un fait juridique, l’émancipation est un acte juridique ou la conséquence d’un acte juridique : le mariage qui produit ses effets parce que les auteurs de l’acte ont eu la volonté de lui en faire produire en anticipant sur l’âge de la majorité.
L’écoulement d’un certain temps peut aussi entraîner des conséquences dans le sens soit de l’acquisition, soit de l’extinction d’un droit subjectif. On dit qu’il y a alors prescription. Dans l’intérêt de la paix sociale, il est parfois bon de stabiliser certaines situations qui se sont prolongées, même si elles sont contraires au droit, voire à la morale (v. supra, n° 11). Permettre d’anéantir cette situation sous prétexte qu’à l’origine il ne se trouve pas un droit véritablement établi, ce serait ruiner les légitimes prévisions, non seulement des individus bénéficiant de la situation même ce qui après tout ne serait pas trop grave, mais encore de tous ceux qui, constatant que le titulaire de la situation apparente n’était pas dérangé dans l’exercice de son droit, ont pu valablement croire que cette situation était juridiquement fondée. Tel est le fondement de la prescription acquisitive des droits réels au profit de personnes non titulaires de ces droits.
La même idée sert aussi de justification à la prescription extinctive des droits, qui s’applique en principe à tous les droits pécuniaires et d’après laquelle le droit se perd par le non-usage. Ainsi un créancier qui ne réclame pas au débiteur son paiement perd son droit à l’expiration d’un certain délai. Toutefois, le droit de propriété est un droit perpétuel qui ne se perd pas par le non-usage. Si l’on ne se sert pas de son droit de propriété, on ne le perd que si quelqu’un d’autre possède la chose, par exemple, s’installe dans une maison et s’y comporte comme propriétaire, mais alors on perdra son droit en raison de l’activité de cette autre personne qui aura bénéficié de la prescription acquisitive.
Le droit civil détermine le délai de prescription et les conditions de possession ou de non-usage, tant pour la prescription acquisitive que pour la prescription extinctive. Le délai, ordinairement de trente ans, est souvent abrégé. En outre, fréquemment interviennent des conditions se rattachant à la bonne foi des intéressés, c’est-à-dire à leur ignorance de la situation juridique véritable.
Les faits volontaires
De la volonté
Les faits juridiques précédemment étudiés sont indépendants de la volonté de l’homme. D’autres faits peuvent être voulus, comme le délit civil ou la possession. Il faut se garder de confondre ces faits avec les actes juridiques. Dans l’acte juridique, les parties veulent non seulement l’acte, mais aussi les conséquences juridiques que la loi y attache. Ainsi, si deux personnes concluent un contrat de vente, c’est pour que la propriété de l’objet vendu passe du vendeur à l’acquéreur et que celui-ci devienne débiteur du prix. Quand une personne, au contraire, commet un délit civil, c’est-à-dire cause par sa faute intentionnelle un préjudice à autrui, sa conduite implique une volonté consciente des conséquences dommageables de l’acte, mais on ne peut dire que cette personne a voulu la conséquence juridique que la loi y attache, à savoir la naissance de l’obligation de réparer.
Les faits volontaires illicites
Caractères
Ils attestent l’existence de comportements volontaires, impliquant à l’origine un acte de volonté d’un ou de plusieurs individus, et illicites parce qu’ils sont répréhensibles et entraînent la responsabilité civile de leurs auteurs, car ils constituent des délits ou des quasi-délits.
La responsabilité civile
La théorie de la responsabilité civile comporte un principe général qui est celui de la responsabilité: du fait personnel : quiconque cause, par sa faute, un dommage à autrui doit réparer le préjudice de la victime. Les articles 1382 et 1383 du code civil sanctionnent ainsi les délits et quasi-délits, c’est-à-dire les manquements à l’obligation générale de prudence, de diligence et de loyauté qui pèse sur tous les hommes dans l’exercice de leurs libertés. Délits et quasi-délits se distinguent entre eux, en ce que les premiers impliquent un manquement intentionnel à cette obligation, une
volonté consciente des suites préjudiciables de l’acte, tandis que les seconds sont des actes d’imprudence ou de négligence, leurs auteurs n’ayant pas prévu les conséquences dommageables de leurs actes. S’agissant de matières civiles, et non pénales, la distinction est d’ailleurs dépourvue en général de portée pratique, les délits comme les quasi-délits obligeant l’auteur du dommage à réparer l’intégralité du préjudice subi.
Dans certains cas, une personne est responsable du dommage causé par la faute de personnes dont elle doit répondre. L’article 1384, alinéa 1er, pose le principe de la responsabilité du fait d’autrui par la formule : on est responsable du dommage qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre. Les alinéas suivants en explicitent des cas, ce qui n’exclut pas l’existence d’une responsabilité générale du fait d’autrui. Les père et mère sont ainsi responsables du fait de leurs enfants mineurs habitant avec eux, à moins qu’ils n’établissent qu’ils n’ont pu empêcher le fait dommageable. De la même façon, l’artisan est responsable du fait de ses apprentis. Le maître ou commettant est responsable du fait de ses domestiques et préposés; sa responsabilité tranche même sur les autres cas de responsabilité du fait d’autrui par plus de sévérité : elle ne peut être écartée par la preuve de l’absence de faute, de choix ou de surveillance chez le commettant, ce qui atteste une régression de la responsabilité fondée sur la faute au profit de la responsabilité objective, fondée sur le risque.
Une même tendance se manifeste dans les cas de responsabilité du fait des choses. Le code civil avait institué pour deux catégories particulières de choses – celles qui, en 1804, étaient les causes les plus habituelles de dommages : animaux et bâtiments, des responsabilités existant de plein droit et non subordonnées à la preuve d’une faute : le propriétaire d’un animal ou celui qui s’en sert est responsable du dommage causé par le fait de cet animal, sans que la victime ait à prouver la faute du gardien de l’animal, sans que celui-ci puisse se décharger de sa responsabilité en prouvant qu’il n’a pas commis de faute (art. 1385); le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine lorsqu’elle est arrivée par suite du défaut d’entretien ou par le vice de construction (art. 1386), faits qui ne sont pas toujours imputables au propriétaire. A partir de la fin du xixcsiècle, la jurisprudence a trouvé dans l’article 1384, alinéa 1er, les éléments d’un système général de responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde, dans lequel le gardien de la chose ne peut s’exonérer par la preuve de l’absence de faute, ni même dans certains domaines et sous certaines conditions par la preuve d’une cause étrangère irrésistible et imprévisible; c’est dans ce sens qu’une loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation a marqué une évolution importante du droit de la responsabilité civile .
On constate que se sont multipliés les cas dans lesquels une personne est déclarée responsable dès lors que son activité est la cause d’un dommage sans que nécessairement cette activité ait été fautive. De la sorte, s’est développée l’importance de l’idée suivant laquelle toute personne introduisant un risque dans la société serait responsable du dommage causé par la réalisation fortuite de ce risque.
La responsabilité administrative
Longtemps la puissance publique a bénéficié d’un principe d’irresponsabilité. Partiellement abandonné à la fin du siècle dernier, ce principe a été renversé au xx » siècle, marqué par une « généralisation progressive de la responsabilité administrative ».
A s’en tenir à celle-ci, donc sans envisager la responsabilité pouvant être engagée au titre du pouvoir législatif ou de l’autorité judiciaire, il convient d’évoquer seulement ici le régime de responsabilité administrative tel qu’il est mis en œuvre par le juge administratif. Cette première approche n’est encore qu’approximative, compte tenu de l’existence de divers régimes dérogatoires, d’origine législative (activité des membres de l’enseignement, accidents causés par des véhicules) ou jurisprudentielle (gestion privée, services publics industriels ou commerciaux, voie de fait et emprise irrégulière, faute personnelle détachable) .
Cette deuxième délimitation ne permet pas de parvenir à une vision unitaire, car l’on observe encore une grande variété de règles. On peut cependant retenir une classification générale qui permet de distinguer deux grandes catégories de régimes. Les uns sont ou demeurent attachés à la notion de « faute de service », elle-même de définition malaisée, car il faut tenir compte de la gradation des fautes propres à engager la responsabilité administrative, si elle s’accompagne d’un préjudice et s’il existe entre celui-ci et la faute un lien de causalité; lorsque ces conditions sont réunies, la réparation due aux administrés est fondée sur leur droit d’obtenir un fonctionnement normal des services publics. Les autres régimes sont détachés de l’idée de faute (ex. : dommages de travaux publics, choses dangereuses …); l’on rattache volontiers ces régimes à l’idée d’égalité devant les charges publiques, d’où résulterait l’exigence d’une compensation destinée à rééquilibrer justice rétributive ? une situation qui profite à certains et nuit à d’autres. Au-delà de cette considération, on discerne aujourd’hui un mouvement expansionniste de la réparation, puis de la solidarité qui dépasse le clivage droit privé – droit public.
Les faits volontaires licites
Fréquence
Ils sont extrêmement nombreux. Certains sont envisagés simplement en ce qu’ils entraînent la modification d’une situation juridique, ce qui peut impliquer l’adoption d’un certain comportement, voire le respect de certaines exigences. Ainsi en est-il par exemple d’un changement de domicile.
Il est, plus précisément, des faits juridiques qui, générateurs d’obligations, ressemblent davantage à des actes juridiques de sorte qu’on parle à leur sujet de quasi-contrats. Le fait considéré est volontaire, mais ce n’est pas un acte juridique, car si cet acte a été voulu et fait naître des obligations, il n’a pas été accompli en vue de faire naître ces obligations : la loi les reconnaît, parce que cela lui paraît juste et utile, mais sans tenir compte de ce que les intéressés ont pu vouloir à cet égard. Cela dit, le fait volontaire ici envisagé est un fait licite : bien que le comportement des individus ait fait naître une situation appelant rétablissement d’un équilibre d’ordre juridique, ce comportement n’est pas en soi illicite, ne constitue pas une faute, n’est pas un délit ou un quasi-délit.
Gestion d’affaires, paiement ou non-paiement de l’indu, enrichissement sans cause
II s’agit de catégories juridiques du droit privé que le droit public a utilisées, non sans adaptations.
a) Il y a gestion d’affaires lorsqu’une personne, le gérant d’affaires, sans en avoir reçu mandat ni pouvoir légal, accomplit un acte dans l’intérêt et pour le compte d’une autre personne, nommée géré ou maître de l’affaire ; par exemple, en l’absence de l’intéressé, une personne prend l’initiative de faire réparer sa maison menaçant ruine, de payer ses dettes afin d’éviter une saisie de ses biens. La gestion d’affaires fait naître des obligations de part et d’autre; ainsi le gérant doit apporter à la gestion tous les soins d’un bon père de famille (art.1374, al. 1er) et doit rendre compte de sa gestion; le maître doit, si la gestion a été utile ou s’il l’a ratifiée, remplir les engagements que le gérant a contractés en son nom, l’indemniser de tous les engagements personnels qu’il a pris et lui rembourser toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu’il a faites.
b) Il y a paiement de l’indu: 1) lorsqu’on paye une dette qui n’existe pas; 2) lorsqu’on paye plus qu’on ne doit; 3) lorsqu’on paye une dette due par un autre; 4) lorsqu’on paye une obligation nulle (sauf si le paiement emporte confirmation). Dans ces divers cas, la somme indûment perçue doit être restituée, accompagnée des fruits de la chose ou des intérêts de l’argent lorsque Yaccipiens a perçu l’indu de mauvaise foi .
La répétition de l’indu payé aux personnes publiques suscite des problèmes spécifiques, notamment en matière fiscale 2. Aux fins de protection de l’Administration, il existe aussi une règle du non-paiement de l’indu par les personnes publiques qui met obstacle aux arrangements amiables que celles-ci pourraient, dans des cas douteux, être tentées de conclure avec des adversaires : « les personnes morales de droit public ne peuvent jamais être condamnées à payer des sommes dont elles ne sont pas redevables ».
c) Il arrive fréquemment qu’un individu s’enrichisse aux dépens d’autrui; le plus souvent l’accroissement d’un patrimoine et l’appauvrissement corrélatif d’un autre ont une cause légitime, procédant d’un acte juridique : vente, donation, etc. Mais il arrive que ce phénomène s’opère en dehors de toute cause juridique : une personne effectue un paiement dont elle n’était pas tenue; ou encore elle érige une construction sur le terrain d’autrui et par le phénomène de l’accession, cette construction va appartenir au propriétaire du sol, qui s’enrichit ainsi injustement aux dépens du constructeur, de sorte que, comme dans le cas précédent, celui qui a reçu le paiement s’est enrichi sans cause au détriment de celui qui l’a effectué. Cet enrichissement sans cause est source d’obligation : l’appauvri peut intenter contre l’enrichi une action dite de in rem verso, qui lui permet d’obtenir la restitution
de ce dont il s’est appauvri, tout au moins dans la mesure de l’enrichissement procuré. Le code civil s’était contenté de réglementer des cas particuliers d’enrichissement sans cause, sans proclamer le principe auquel ils se rattachent; la jurisprudence a généralisé ces solutions en affirmant le principe d’équité suivant lequel nul ne doit s’enrichir aux dépens d’autrui .
Possession
Elle est un rapport de fait entre une chose et une personne, par lequel cette personne a la possibilité d’accomplir, sur cette chose, personnellement ou par l’intermédiaire d’un tiers, des actes qui, dans leur manifestation extérieure, correspondent à l’exercice d’un droit, qu’elle soit ou non titulaire régulière de ce droit. Et il se peut qu’à l’origine de sa prise de possession, il y ait, de sa part, un acte illicite.
La définition de la possession met en évidence un état de fait illustrant une similitude avec l’exercice des prérogatives attachées à la propriété. La possession est protégée en tant que telle pour des raisons de paix publique et de simplicité . L’on insiste sur une double idée : la possession est un fait, indépendamment du point de savoir si ce fait correspond effectivement à un droit de propriété; ensuite elle s’analyse essentiellement dans le fait d’exercer des actes correspondant à ceux qu’accomplit le propriétaire d’une chose.
La première idée est exacte : la possession est un fait, un fait juridique. Mais la seconde idée est critiquable en ce que la possession est prise dans son sens étroit et originaire : elle éveille à la fois l’idée de chose matérielle et l’idée de propriété. Or il s’est produit une extension progressive de la notion de possession, celle-ci pouvant s’appliquer à un droit, et non pas seulement à une chose. L’article 2228 formule en ce sens la définition suivante : « La possession est la détention ou la jouissance d’une chose ou d’un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou qui l’exerce en notre nom ».
La possession produit également des effets en matière de droit familial (possession d’état).