Les sources du droit
Cette dernière question conduit au thème des sources du droit. En effet, si le droit est dans la loi, on présume qu’il n’existe pas de droit en soi, autrement dit, le droit n’est que ce que l’auteur de la loi en pense.
Dans ce cas, on présume que le monde est un chaos dans lequel le législateur met de l’ordre. Si le meurtre n’est pas interdit par une loi et par une autorité chargée de la faire appliquer, c’est la guerre de tous contre tous. Bref, le droit (ou la loi, car les deux sont synonymes dans cette acception) a vocation à ordonner, au double sens de mettre de l’ordre là où le désordre existe et de donner un ordre, un commandement, une instruction.
Si au contraire on estime que le droit est dans la justice, on présume qu’il existe une justice en soi qui se trouve dans la nature ou dans le cœur de chacun (une sorte de sentiment inné du juste et de l’injuste). Bref, indépendamment de la volonté des hommes et de leurs lois, il y a une justice naturelle ou un droit naturel auquel il convient de se conformer. Dans cette hypothèse, le droit est sub-ordonné à un ordre (et non un chaos) qui lui préexiste.
Dès lors, le droit ne se résume pas dans la totalité des règles positives (c’est-à-dire posées par des autorités) : il est une discipline, un art permanent de la recherche de ce qui est juste et conforme à l’ordre du monde. Jus est ars boni et aequi (« le droit est l’art du bon et du juste ») dit le droit romain : à l’instar d’un artiste, le juriste – qu’il soit législateur ou juge doit rechercher
la perfection, qu’il sait en partie inaccessible. Il s’efforcera, en prati¬quant son art de juriste, d’offrir un reflet le moins imparfait possible de l’ordre supérieur.
La première conception — le droit est dans la loi — a été conceptualisée en France au XVIL siècle et elle s’est imposée avec la Révolution à la fin du XIIIe siècle. La seconde conception — le droit est l’art du juste —, large¬ment héritée de l’antiquité gréco-latine, a prévalu au Moyen Age et tend à retrouver quelque vigueur aujourd’hui. Derrière cette chronologie, à laquelle d’ailleurs il conviendrait d’apporter mille nuances, ces deux conceptions correspondent à des modèles de système juridique différents, et qui entretiennent des rapports particuliers avec le politique.