Les sources du droit : Le droit comme vecteur d'ordre
Le modèle de société qui triomphe avec l’État moderne est marqué par la primauté du politique sur le juridique. En arrière-plan se trouve l’idée que le monde est un chaos, que la nature (notamment la nature humaine) est violente, que l’homme, doué de raison, est capable de créer un ordre, bref, qu’il est moins créature que créateur. Le fait que cette conception se soit épanouie au moment des guerres de religion qui ont ensanglanté l’Europe pendant un demi-siècle est à cet égard significatif.
Par conséquent, si la nature n’est pas ordonnée naturellement, les hommes sont capables de façonner cet ordre artificiellement. Ce modèle est marqué également par la conceptualisation de la souveraineté moderne conçue par le jurisconsulte Jean Bodin en 1576.
Dans Les Six Livres de la République, Bodin définit la souveraineté comme le pouvoir de faire et de casser la loi, pouvoir qui englobe tous les autres pouvoirs (battre monnaie, décider en dernier ressort, déclarer la guerre ou conclure la paix, etc.). Ce faisant, Bodin fait subir à l’idée de loi une évolution qui lui permet d’établir fermement la loi moderne.
Après la Révolution, la souveraineté comme marque distinctive de l’État moderne ne change nullement, c’est son titulaire qui change : la nation se substitue au roi. C’est désormais la nation qui dispose du pouvoir de faire et de casser la loi, autrement dit, d’être l’auteur du droit. Les autres sources du droit que sont la coutume ou la jurisprudence ne disparaissent pas, mais sont ravalées au rang de sources supplétives et subordonnées.
Pour autant, si la nation est souveraine, autrement dit, si elle peut tout, elle peut aussi être tyrannique et blesser des droits jugés fondamentaux. ( l’est la question de l’articulation entre la souveraineté législative et les droits de l’homme, qui oblige à placer la loi sous la surveillance du droit ou l’autorité politique sous la surveillance du juge, ce que l’on appelle généralement l’ Etat de droit.