Loi applicable : Application d'une loi étrangère
A l’évidence, l’application par le juge français d’une loi étrangère pose un certain nombre de problèmes, tant sur le plan théorique (à quel litre un juge ou une autorité administrative français peuvent-ils appliquer une norme édictée par un législateur étranger ?) que sur le plan pratique.Trois questions méritent notamment d’être évoquées :
Lorsque la règle française de conflit donne compétence à une loi étrangère, le juge est-il tenu de l’appliquer ? Cette question se décompose en deux problèmes.
Tout d’abord, le juge est-il tenu d’appliquer les règles françaises de conflit, même si les parties ne relèvent pas le caractère international de la situation et fondent leurs prétentions sur le seul droit français ? Au terme d’une longue évolution jurisprudentielle, il est admis aujourd’hui que si les droits en cause sont indisponibles, le juge est tenu d’appliquer, au besoin d’office, la règle de conflit. Si les droits sont disponibles, il est loisible au juge de le faire, mais il n’y est pas
tenu, quand bien même la règle en cause serait issue d’une conven tion internationale.
Ensuite, si la règle de conflit désigne une loi étrangère, les parties peuvent-elles lier le juge par un accord procédural, et demander l’application d’une autre loi, notamment de la lexfori ?
Tout dépend là aussi du caractère disponible ou indisponible des droits en cause.
La loi compétente d’après la règle de conflit peut comporter des institutions ou des règles plus ou moins différentes de celles que connaît le juge, ou plus généralement l’autorité saisie.
Il se peut même que telle ou telle de ses dispositions heurte certains principes fondamentaux du for : entre alors enjeu Y ordre public français (si l’on se place par rapport au système juridique français) en matière interna¬tionale. Plus précisément, l’exception d’ordre public permet d’écarter une règle étrangère incompatible avec un principe essentiel du for (un droit fondamental tel que l’égalité entre homme et femme par exemple, ou un principe tel que la laïcité) ou contraire à une politique juridique particulière (comme la protection du consommateur ou du salarié).
Lui seront substituées les dispositions du droit fran¬çais. Mais la règle ne sera écartée que dans les strictes limites du nécessaire : la loi étrangère reste en principe compétente. En ce sens, l’exception d’ordre public constitue un instrument d’éviction de la loi étrangère dans ce qu’elle a d’incompatible avec l’ordre juridique du for, mais aussi un instrument de coordination entre les systèmes : elle permet d’appliquer la loi étrangère dans toute la mesure du possible, jusqu’à l’ultime non possumus.
Le droit international privé, parce qu’il ouvre sur une pluralité de juges et de lois éventuellement compétentes, est un des domaines d’élection de la fraude : fraude à la compétence judiciaire (les parties ou l’une d’elles choisissent un juge dont les règles de conflits conduiront à telle loi, donc à tel ou tel résultat – on parle de forum shopping) ou fraude à la loi (une loi est rendue artificiellement compétente par une manipulation de tel ou tel élément du raisonnement de droit international privé).
Si les trois éléments de la fraude sont caractérisés (l’élément matériel, i.e. la construction artificielle, l’élément légal, i.e. la règle impérative contournée, et l’élément intentionnel, i.e. animus fraudis), la situation frauduleusement créée sera déclarée inopposable aux tiers.