Droit et équité: droit et équité exposé
Le besoin de la sécurité peut éloigner le droit de la justice. Or le recours à l’équité tend précisément, par l’atténuation de ce que le droit — et surtout le droit écrit — peut avoir de trop rigide, à réduire l’écart pouvant exister entre la justice et le droit . « L’équité ne va pas contre ce qui est juste en soi, mais contre ce qui est juste selon la loi », écrit saint Thomas .
On a dit que l’équité est « un recours au juge contre la loi » . Encore convient-il d’observer que, dans nombre de cas, c’est la loi elle- même qui renvoie à l’équité, expressément ou non. Ainsi l’article 1135 du code civil dispose que « les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature»; ainsi encore, lorsque le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (ex. : les hono¬raires d’avocat), il « tient compte de l’équité ou de la situation écono¬mique de la partie condamnée » (art. 700 NCPC) . Dans d’autres cas, le pouvoir d’équité est attribué au juge de manière moins expli¬cite : la nature de certaines décisions, par exemple l’octroi de délais au débiteur malheureux (art. 1244, al. 2, c. civ.), implique cette mission, qui relève même non seulement de la justice, mais de la charité; plus nets sont les cas dans lesquels le droit consacre le « pouvoir modéra¬teur » du juge par exemple en matière de « clauses pénales » (art. 1152, al. 2, c. civ.). Un mouvement plus général d’assouplissement de la force obligatoire des engagements s’est manifesté en matière de « faillite » des débiteurs commerçants ; il a été prolongé en matière civile par la loi du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles et, en dernier lieu, par la loi du 29 juillet 1998 d’orienta¬tion relative à la lutte contre les exclusions.
L’arbitraire et l’incertitude qui sont attachés à l’équité s’étaient par-ticulièrement manifestés sous l’Ancien régime , ce qui a suscité la réaction révolutionnaire. En principe, les tribunaux ne peuvent statuer en équité . Il en va autrement lorsque ce pouvoir leur est reconnu soit par un texte spécial, soit, dans certaines conditions, par l’effet d’un accord des parties : il résulte, en effet, de l’article 12, alinéa 4, du nou-veau code de procédure civile que, le litige né, les parties peuvent, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre dispo-sition, conférer au juge mission de statuer comme amiable composi-teur, sous réserve d’appel si elles n’y ont pas spécialement renoncé (v. infra, n° 621).
L’équité exerce un rôle important en matière d’arbitrage, c’est-à-dire lorsque (si c’est possible) des personnes en conflit confient à des per-sonnes privées, et non à des tribunaux étatiques, le soin de trancher leurs litiges, car elles peuvent alors donner aux arbitres le pouvoir de décider non seulement d’après les règles du droit, mais aussi comme « amiables compositeurs », donc en équité. A travers l’amiable compo-sition, on discerne peut-être mieux qu’ailleurs l’influence originale de l’équité sur le droit.