Histoire et philosophie du droit
Nemo censetur ignorare legem : « Nul n’est censé ignorer la loi. » Cet adage romain, repris en droit contemporain, signifie—t-il que chaque citoyen est censé connaître et comprendre toutes les règles de droit afin de n’en violer aucune ? Si tel était le cas, il faudrait sans doute que chacun ait une très solide formation juridique, car il est évident que les avocats, les magistrats eux-mêmes ignorent certaines règles juridiques. Nul n’est omniscient. En réalité, cet adage a une portée beaucoup plus restreinte. Il signifie que, à l’occasion d’un procès, on ne peut pas faire valoir l’ignorance de la loi comme justification d’un comportement fautif ou irrégulier. Que l’on se défende en arguant que l’on ignore que tel comportement est interdit, et l’on se
verra rétorquer que ce n’est pas une excuse, que « nul n’est censé ignorer la loi ».
Mais comme souvent en droit, les exceptions sont aussi intéressantes que le sont les principes. L’excuse d’ignorance peut être acceptée dans deux hypothèses principales. D’une part, dans le cas où l’individu a transgressé une règle mais a cru de bonne foi s’y conformer, et cela parce que l’autorité publique (administration, magistrat…) lui a fourni une information erronée. D’autre part, dans l’hypothèse où, au moment des faits, les textes qui devaient être appliqués ne pouvaient pas être connus de l’individu fautif. En d’autres termes, il faut que l’erreur soit invincible, qu’elle ne puisse pas être évitée. Ces deux exceptions suggèrent deux remarques.