L'apparition de la juridiction administrative
Le temps de la justice retenue
En 1799, Bonaparte introduit une distinction entre l’Administration active et celle chargée d’examiner les litiges entre l’Administration et les administrés (loi du 28 pluviôse, an VIII).
A l’échelon départemental, les conseils de préfecture, présidés par le préfet, sont chargés de statuer sur un certain nombre de matières particulièrement conflictuelles (les travaux publics, la voirie, les impôts directs).
A l’échelon central, le Conseil d’Etat prépare les décisions du chef de l’État à ce sujet, d’où l’expression de justice retenue (par le chef de l’État). En pratique, le chef de l’État avalise les projets faits par le Conseil d’Etat. Cette situation de «justice retenue » a fait l’objet de vives critiques de la part des milieux politiques libéraux, qui ont réussi à la faire évoluer, a la faveur de l’installation de la IIIe République.
La création d’une véritable juridiction administrative (de 1872 à nos jours)
La loi du 24 mai 1872 donne au Conseil d’Etat la compétence d’une juridiction jugeant au nom du peuple français et dont les décisions sont revêtues de la formule exécutoire (justice déléguée).
Le Conseil d’Etat devient ainsi le juge administratif de droit commun.Très rapidement, il décidera qu’il peut intervenir sans que le ministre ait préalablement jugé l’affaire (C.E., 13 décembre 1889, Cadot).
En 1953, les conseils de préfectures deviennent des tribunaux administratifs, juges de droit commun du contentieux administratif en première instance, le Conseil d’Etat devenant principalement juge d’appel.
La loi du 31 décembre 1987 crée les cours administratives d’appel, qui sont les instances d’appel des tribunaux administratifs ; le Conseil d’Etat conserve son pouvoir de régulateur suprême du contentieux administratif, grâce à son rôle de juge de cassation. A côté de ces juridictions à compétence générale, on trouve des juridictions administratives spécialisées telles que les juridictions financières, chambres régionales des comptes et Cour des comptes.
Désormais, il existe un ordre de juridictions administratives complet, avec un premier degré, un degré d’appel, et une juridiction de cassation, à l’instar de l’ordre des juridictions judiciaires. C’est le système actuel de dualité des juridictions.
Pour trancher les conflits de compétence avec les juridictions civiles, la loi du 24 mai 1872 crée un Tribunal des conflits dont le rôle est de dési¬gner l’ordre de juridiction compétent. Il est constitué paritairement de conseillers d’État et de conseillers à la Cour de cassation, et en cas de partage des voix, c’est le ministre de la Justice, garde des Sceaux, qui départage (il « vide » le conflit).
Saisi par le préfet, il règle le conflit posi¬tif lorsque l’Administration revendique le jugement d’une affaire portée par le requérant devant un tribunal civil. Il est saisi par renvoi du dernier ordre de juridiction, saisi en cas de conflit négatif lorsque aucun des deux ordres de juridictions ne s’estime compétent.
Les principes actuels d’organisation et de fonctionnement de la juridiction administrative
La juridiction administrative est régie par un code de justice adminis¬trative. Elle se compose non pas de magistrats, mais de fonctionnaires qui, pour le premier degré et le degré d’appel, forment le corps des conseillers aux tribunaux administratifs et Cours administratives d’appel, et pour le Conseil d’Etat, constituent ce que l’on appelle un des grands corps (selon l’ancienneté, auditeurs, maîtres des requêtes et conseillers d’Etat). Il existe toutefois des règles particulières assurant l’indépendance des membres des juridictions administratives (notamment l’inamovibilité). Seuls les membres des juridictions financières sont des magistrats administratifs.
Les juridictions administratives combinent des fonctions juridictionnelles et administratives, notamment pour le Conseil d’Etat. Les tribu¬naux administratifs peuvent donner des avis aux préfets, et le Conseil d’Etat a un rôle consultatif important de conseil juridique du gouvernement; il donne notamment son avis sur les projets de lois et sur certains décrets.