La codification napoléonienne: codification napoléonienne
Tentatives de codification
Dès le 5 octobre 1790, l’Assemblée Constituante affirma sa volonté de donner au Royaume un Code général et la Constitution de 1791 contint même une disposition portant « qu’il serait fait un code des lois civiles communes à tout le royaume ». La Convention chargea Cambacérès et le Comité de législation de préparer un projet; celui-ci fut déposé le 9 août 1793. Il fut rejeté comme étant trop compliqué et conservateur. Un deuxième projet, déposé par Cambacérès le 23 fructidor an II, se bornait à poser des principes généraux et de caractère philosophique; quelques articles seulement en furent votés. Sous le Directoire, Cambacérès devait, sans plus de succès, soumettre au Conseil des Cinq-Cents un troisième projet de code, ressemblant au précédent.
Le code civil. Sa genèse et son esprit
Elaboration
Après qu’un quatrième projet de code civil hâtivement élaboré par Jacqueminot au lendemain du 18 brumaire an VIII ait été à son tour abandonné, un arrêté des consuls, du 24 thermidor an VIII (13 août 1800), chargea de la rédaction d’un cinquième projet une commission composée de quatre magistrats : Tronchet, président du Tribunal de cassation, Bigot de Préameneu, commissaire du gouvernement près la même juridiction, Malleville, juge au même Tribunal, Portalis, commissaire du gouvernement près le Tribunal des prises .
Le projet, achevé dans le délai de quatre mois, fut soumis au Tribunal de cassation et aux tribunaux d’appel qui formulèrent leurs obser¬vations. Puis il suivit la filière législative compliquée prévue par la Constitution de l’an VIII.
Le projet fut ainsi discuté au Conseil d’Etat sous la présidence soit de Cambacérès, soit de Bonaparte, qui tint à prendre personnellement une part active aux séances .
Le premier projet de loi relatif au premier titre, après avoir été adopté par le Conseil d’Etat, fut soumis au Tribunat, puis transmis au
corps législatif. Ce fut un échec. D’une part, le Tribunat comprenait nombre d’anciens révolutionnaires, hostiles au Premier Consul, et qui voyaient en outre dans le projet un reflet trop fidèle des idées de ; Ancien régime; d’autre part, ni le Tribunat, ni le Corps législatif n’avaient le droit d’amendement : c’était le système rigide du tout ou rien. Le second projet de loi présenté risquant fort d’être à son tour l’opposition, Bonaparte retira alors l’ensemble du projet. Pour vaincre I imposition, le Premier Consul « épura » le Tribunat en ramenant ses membres de 100 à 50 et le divisa en sections, la section de législation ci ni garnie de partisans du projet. De plus, il institua la procédure ingénieuse de la communication officieuse au Tribunat (arrêté du i H terminal an X) ; le Conseil d’Etat était désormais tenu de communiquer au Tribunat le projet de loi élaboré, avant même que celui-ci nuit soumis au gouvernement ; le Tribunat était ainsi à même de présenter des observations, qui étaient examinées par le Conseil d’Etat, ce ‘|ii! permettait de réaliser un accord entre les deux assemblées.
Grâce à cette double mesure, l’œuvre fut rapidement poussée ’. Le vole des textes fut réalisé par séries de lois; il y en eut 36 qui furent ni ces et promulguées séparément en 1803 et 1804 et correspondent ,iiiK 36 titres du code. Enfin, la loi du 30 ventôse an XII (21 mars IH04 ) réunit ces lois, déjà rendues obligatoires isolément, en un corps unique, sous le nom de « Code civil des Français ». C’est le nom qu’il porte encore aujourd’hui, après avoir été appelé, sous le Premier et le Veond Empire, Code Napoléon.
Abrogation du droit civil antérieur
La loi du 30 ventôse in XII ne se contentait pas de codifier le droit nouveau; elle contenait ni outre une formule générale d’abrogation du droit antérieur. Aux ici mes de son article 7, « à compter du jour où ces lois sont obliga¬toires, les lois romaines, les ordonnances, les coutumes générales ou locales, les statuts, les règlements cessent d’avoir force de loi générale nu particulière dans les matières qui sont l’objet desdites lois compo- inl le présent code ». Deux observations doivent être faites, qui précisent la portée de ce texte :1° L’Ancien droit fait l’objet d’une abrogation générale expresse, mais seulement « dans les matières qui sont l’objet » du Code civil. Il en résulte que, dans les matières du droit civil qui n’ont donné lieu à aucun article du code, les dispositions de l’Ancien droit doivent être considérées comme étant encore en vigueur. En fait, la restriction à la force abrogatoire de la loi de ventôse était minime, car les matières de droit civil non réglementées par le code étaient très rares.
2° Quant aux lois et décrets du droit intermédiaire, la loi ne les comprend pas dans sa formule d’abrogation expresse; ils n’ont donc fait l’objet, par la promulgation du code, que d’une abrogation tacite et doivent être considérés comme étant en vigueur toutes les fois qu’ils ne sont pas en contradiction avec le texte ou l’esprit du code civil.
Traits caractéristiques
Trois traits essentiels caractérisent le code civil et expliquent d’ailleurs son succès. Ce fut d’abord une œuvre de magistrats réalistes, préoccupés de poser des règles claires, pratiques, plutôt que d’édifier une construction savante, théorique; les exigences de la pratique l’ont toujours emporté sur les tentations de la dogmatique.
Ce fut ensuite une oeuvre de sagesse et de modération, et non pas de partisans. Elle a voulu certes consacrer une grande partie des réformes dues à la Révolution, mais elle a su se garder de certains excès, commis par le législateur de l’époque intermédiaire; elle a cherché une conci-liation des réformes révolutionnaires avec les traditions profondes du peuple français et conservé des anciennes coutumes tout ce qui pou¬vait être maintenu.
L’esprit général du code est l’esprit individualiste, libéral, défendu par les philosophes du xvme siècle. Le plan même du code l’atteste. Après un bref titre préliminaire sur la loi, le code est divisé en trois livres. Le premier : Des personnes (art. 7 à 515) ; le second : Des biens et des différentes modifications de la propriété (art. 516 à 710); le troisième : Des différentes manières dont on acquiert la propriété (art. 711 à 2281).
Comme le droit révolutionnaire, le code consacre la sécularisation du droit civil . Celle-ci se traduit notamment par l’organisation dans
1rs mairies des registres de l’état civil, la réglementation civile du m.iriage, l’admission du divorce, moins largement toutefois que sous l.i Révolution.
L’égalité civile est maintenue; les classes privilégiées demeurent supprimées.
Bien qu’il ne traite que de la personne et ne fasse pas figurer la famille dans ses rubriques, le code, sans revenir aux conceptions aristocratiques de l’Ancien régime, rétablit en partie la force de la famille légitime.
Rapports de famille
La supériorité du mari est à la base de la icglementation des rapports entre époux : la femme, soumise à la puissance maritale, doit obéissance à son mari et elle est incapable de laire aucun acte juridique sans autorisation de son mari ou de jus¬tice.
Tranchant, en matière de régimes matrimoniaux, en faveur des pays de coutumes, on a décidé que les époux mariés sans contrat de mariage seraient unis sous le régime de la communauté de meubles et acquêts, mais cela ne les empêchait pas de choisir, parmi les régimes conventionnels, le régime dotal, qui était conforme à la tradition des pays de droit écrit.
Quant aux rapports entre parents et enfants, le code réglemente l’établissement de la filiation légitime et admet la règle traditionnelle suivant laquelle le mari est de droit le père des enfants de sa femme (pater is est quem nuptiae demonstrant).
Quant à l’enfant naturel, le code le traite durement. Il permet l’établissement de la filiation naturelle par reconnaissance volontaire, mais interdit la recherche en justice de la paternité naturelle. Certaines dispositions établissent en outre une infériorité du traitement juridique de l’enfant naturel par rapport à celui de l’enfant légitime.
Le code admet l’adoption, mais la réglemente étroitement; ainsi l’adoption des mineurs est interdite.
L’âge de la majorité est fixé uniformément à 21 ans. Jusqu’à cet âge, l’enfant mineur est soumis à la puissance paternelle, qui comporte, quant à sa personne, les droits de garde et de correction et, quant à ses biens, les droits d’administration légale et de jouissance légale. Ces droits sont exercés, en principe, par le père. La puissance paternelle n’est soumise à aucun contrôle.
Dès le décès du père ou de la mère, l’enfant est mis en tutelle. Celle-ci est organisée minutieusement, surtout en vue de la protection du patrimoine immobilier du mineur, tant dans son intérêt qu’en vue de la conservation des biens dans la famille.
Successions
En matière de succession ab intestat le code, comme la Révolution, consacre l’unité de la succession, conséquence de l’unité du patrimoine; les anciennes distinctions entre biens nobles et non nobles, acquêts et propres, propres paternels ou maternels sont supprimées.
Il attribue la succession aux parents par le sang, les classant en diffé¬rents ordres, un ordre ne succédant qu’à défaut de parents dans l’ordre précédent ; entre successibles relevant du même ordre, la préférence est donnée au plus proche degré . Premier ordre : descendants, pour lesquels la représentation successorale est admise, les descendants d’un descendant plus proche prédécédé venant à la succession aux lieu et place de celui-ci. Deuxième ordre : collatéraux privilégiés, frères et sœurs et leurs descendants (avec admission de la représentation) et ascendants privilégiés (père et mère). Troisième ordre: autres ascen¬dants. Quatrième ordre : collatéraux ordinaires, jusqu’au douzième degré.
Le conjoint survivant n’hérite qu’à défaut de parents du sang et il n’est qu’un successeur irrégulier, ne pouvant appréhender les biens successoraux qu’après un envoi en possession délivré par le président du tribunal. A défaut de conjoint, l’Etat recueille les biens.
Propriété et droits réels
Le code civil attache une importance particulière à la propriété. Le plan du code est caractéristique à cet égard, presque toutes les institutions étant ramenées au droit de pro¬priété. C’est la propriété individuelle, droit essentiel de l’homme, que le législateur réglemente avec beaucoup de soin ; il ignore la propriété collective et ne traite même pas de l’indivision ou de la copropriété.
Il affirme, à l’article 544, le caractère absolu du droit de propriété, qu’il débarrasse de toute notion de domaine éminent et de la plupart des droits et charges qui entravaient son exercice. Il prévoit bien que l’usage de sa chose peut être restreint pour le propriétaire par la loi ou les règlements ; mais dans sa conception, ces restrictions doivent être exceptionnelles. Il les prévoit lui-même dans des articles minutieux consacrés surtout à la propriété immobilière, sous forme de servitudes légales imposées dans l’intérêt de l’agriculture et des propriétés voisines.
Toute sa sollicitude va aux immeubles. Toutefois, d’une part, il lut de la catégorie des immeubles les biens incorporels, les droits personnels, y compris les rentes, les actions et obligations, qu’il classe parmi les meubles; d’autre part, l’article 1138 consacre la règle suivant laquelle une simple convention peut créer ou transférer la propriété ou un droit réel aussi bien sur un immeuble que sur un meuble, ce qui rend aisée la libre disposition des terres.
Le code facilite la libre circulation à l’article 2279 («En fait de meubles, la possession vaut titre»), qui permet le transfert de pro-phète par la simple remise de la possession du meuble, règle emprun¬te à la tradition de la fin de l’Ancien régime.
Obligations
Le code consacre la division traditionnelle des sources des obligations en sources contractuelles et sources extra- contractuelles.
1″ La source normale de l’obligation, c’est le contrat : l’individu ne peut être lié que par sa volonté, par un accord avec une autre per-sonne.
Le code affirme (art. 1134), en des termes relevant de la théorie de l’autonomie de la volonté’, la liberté contractuelle, c’est-à-dire la liberté pour les personnes de passer des contrats et de faire naître ainsi les obligations qu’elles veulent, sous réserve des conditions légales traditionnelles de validité, tenant au consentement et à ses vices, à la capa- ( ité des parties, à l’objet et à la cause (motif déterminant) de la convention, qui ne doivent pas être contraires à l’ordre public et aux bonnes moeurs. Demeurent abolies l’ancienne prohibition du prêt à intérêt et toutes les entraves résultant d’une organisation corporative professionnelle.
Le code proclame la souveraineté des clauses du contrat : celles-ci tiennent lieu de loi entre les parties, qui doivent subir la loi du contrat, de la même façon qu’elles sont tenues de déférer à l’ordre de la loi pro¬prement dite. Le débiteur qui n’exécute pas, qui n’est pas libéré par le paiement (ou un mode d’extinction assimilé au paiement, par exemple une remise de dette, une compensation, une prescription) est responsable et doit des dommages-intérêts, à moins que l’inexécution ne soit imputable à un cas fortuit et de force majeure. En cas d’impos¬sibilité d’exécution, le juge ne peut que prononcer la résolution du contrat, sans pouvoir en modifier les effets. Et le débiteur est responsable sur tous ses biens. Il peut même, en 1804, être contraint par corps, c’est-à-dire emprisonné tant qu’il ne paie pas sa dette.
Le code réglemente les effets géne’raux des contrats et ceux des contrats spéciaux traditionnels : la vente, l’échange, le louage, le man¬dat, le dépôt, le prêt, la société civile, le cautionnement, la transaction. Tous ces contrats peuvent être conclus sans forme exigée à peine de nullité, et la plupart des textes sont interprétatifs de volonté : les par¬ties peuvent en écarter l’application, inventer des contrats produisant d’autres effets.
Toutefois, le contrat, souverain entre les parties, ne peut avoir d’effet à l’égard des tiers (art. 1165) : nul ne saurait devenir contractuellement débiteur ou créancier sans l’avoir voulu; spécialement, on ne peut stipuler pour autrui.
2° A côté des contrats, le code admet que des obligations peuvent naître sans convention. Leur source sera alors (art. 1370) soit la loi, soit le quasi-contrat de gestion d’affaires (gérer l’affaire d’autrui sans en avoir reçu mandat), soit le délit ou le quasi-délit civil. Et, à ce dernier point de vue, l’article 1382 consacre la règle suivant laquelle tout fait quelconque de l’homme qui cause un préjudice à autrui, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Libéralités
Pour une catégorie d’actes juridiques, le code civil apporte d’importantes exceptions au principe de l’autonomie de la volonté : il s’agit des libéralités, actes ayant pour but la transmission des biens à titre gratuit. Le code (art. 893 à 1100) en reconnaît deux catégories : la donation entre vifs, contrat par lequel le donateur se dépouille de son vivant, irrévocablement, d’un bien au profit du donataire, sans rien recevoir en échange, et le testament, acte unilatéral par lequel une personne transmet tout ou partie de son patrimoine à son décès.
Les règles du code civil tendent en la matière à un triple but : protéger celui qui se dépouille, en assurant la liberté entière de sa volonté, protéger sa famille contre des libéralités exagérées, sauvegarder l’interêt public général qui peut être menacé par le but poursuivi par les donateurs et les testateurs. Parmi ces règles, les unes sont communes à toutes les libéralités, les autres sont respectivement applicables aux donations ou aux testaments.
On se bornera à indiquer les principales règles applicables à toutes les libéralités :
1° Le consentement est à la base des libéralités comme à celle de tous les actes juridiques. Mais la volonté du disposant doit être particulièrement ni libre; le code est plus exigeant qu’en matière d’actes à titre oné- ir ux, notamment en ce qui concerne l’intégrité des facultés mentales
• lu donateur et du testateur; il admet la possibilité d’attaquer une libé- MIIIC pour démence après la mort du disposant (art. 901).
Le code s’efforce de lutter contre l’esprit anti-révolutionnaire
• pu pourrait animer les disposants, ceux-ci cherchant à écarter, par des modalités appropriées, les grands principes du droit nouveau: liberté •le conscience, libre choix d’une profession, abolition des anciens prilieues d’aînesse et de masculinité; il décide que toute condition impos¬sible, immorale ou illicite apposée à une libéralité sera réputée non m i lie, mais n’invalidera pas la libéralité (art. 900); le gratifié peut .ilir.i conserver le bénéfice de la libéralité sans être tenu de se confor- iiwr «î la condition illicite.
! La capacité de disposer et de recevoir à titre gratuit est soustraite, ti.ins une large mesure, au droit commun: il y a des incapacités spé- ilulcs, soit de disposer, soit de recevoir. Parmi ces dernières, nous en l|;nalerons qui tiennent à l’état de dépendance où se trouvait le dispo- *.mt par rapport au gratifié : ainsi, le tuteur ne peut pas recevoir de libéralités de son pupille, le médecin ayant traité un malade ne peut p.r. recevoir de lui une libéralité pendant le cours de la maladie qui .hirait une issue fatale; d’autres incapacités tiennent à la défiance envers la filiation hors mariage : l’enfant naturel ne peut rien recevoir .m delà de sa part successorale qui constitue une limite infran-chissable (art. 908, anc. réd.).
4″ L’institution de la réserve héréditaire limite la liberté de faire des donations et des legs. Le code civil dispose que la présence de certains héritiers ab intestat (descendants et ascendants légitimes) ne laisse pour le de cujus qu’une quotité de la succession disponible par voie de libéralités. Si la réserve a été entamée, le ou les réservataires peuvent laire réduire en nature les libéralités excessives, c’est-à-dire dépassant la quotité disponible.
5° Le code traite de façon spéciale les libéralités adressées au conjoint ilu disposant : il crée une quotité disponible spéciale entre époux et pro¬tège tout particulièrement les enfants nés d’un premier lit.
Vidéo : La codification napoléonienne
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