La Constitution
La notion de Constitution
Le développement des Etats s’est de tout temps manifesté par l’apparition progressive d’un ensemble de règles destinées à assurer, dans chaque cité, dans chaque pays, dans chaque nation, la dévolution et l’exercice du pouvoir a. Leur expression a pu revêtir une forme coutumière, la persistance ou la répétition de certains comportements entraînant, par l’effet conjugué du temps el de la volonté, l’existence de constitutions coutumières. C’est cette démarche qui a caractérisé l’histoire constitutionnelle de l’Angleterre : d’abord des pratiques persistantes; à quoi se sont ajoutées des Chartes; aujourd’hui, le droit constitutionnel de la Grande-Bretagne demeure partiellement coutumier. Dans l’Ancienne France, les institutions fonctionnaient dans le cadre d’un droit constitutionnel non écrit : les « lois fondamentales du Royaume ».
N’en déduisons pas que, dans un passé lointain, il n’y ait pas eu de constitutions écrites. Dans l’Antiquité, les Cités grecques se dotèrent de Constitutions. A Rome, le fonctionnement des institutions politiques fut régi par des textes précis.
Longtemps après, est venu le temps des constitutions modernes, marqué principalement par la Constitution des Etats-Unis (1776), puis par la Constitution française du 3 septembre 1791. Ces constitutions écrites se reliaient à l’influence des doctrines philosophiques du contrat social, l’établissement de la société civile, puis politique, découlant d’un pacte social originel. Ce pacte écrit fixe les règles régissant l’exercice du pouvoir. La constitution est au sommet de la hiérarchie des normes. Elle tend à régir complètement l’organisation et le fonctionnement des institutions. Exemplaires et symboliques, les Constitutions modernes « sont volontaristes, abstraites et générales».
En droit français, depuis la Ve République, il y a, au sommet de la hiérarchie des normes, la Constitution du 4 octobre 1958.
Le contenu de la Constitution
Ce qui précède concerne les constitutions au sens formel du mot, relatif à leurs manifestations, coutumières ou écrites. Mais il importe aussi de procéder à leur analyse d’un point de vue matériel, ce qui renvoie à l’étude de leur contenu et révèle que les constitutions peuvent être claires ou obscures, et surtout courtes ou longues.
Abstraction faite de dispositions adventices tenant à des contingences historiques, voire à des affirmations particulières que les circonstances entourant la rédaction de la Constitution ont pu rendre politiquement nécessaires (ex. : la capitale de l’Etat, une religion officielle), on peut distinguer trois sortes de dispositions.
Les unes, essentielles, inhérentes à toute Constitution écrite, concernent l’existence, la structure et le fonctionnement des Pouvoirs publics. Elles sont articulées dans notre Constitution. On y trouve les règles relatives à la Souveraineté, au Président de la République, au Gouvernement, au Parlement, aux Traités et accords internationaux, au Conseil constitutionnel. L’étude de ces diverses règles relève du droit constitutionnel (supra, n°83).
Il en va, pour partie, de même d’autres blocs de dispositions figurant, le cas échéant, dans les textes constitutionnels, le plus souvent dans des Déclarations ou des Préambules précédant les règles régissant les institutions. Parmi elles, figurent éventuellement des principes relatifs à l’organisation économique ou sociale. On y voit affirmés, souvent en termes de programmes, d’orientations, de conseils, d’intentions, des principes relatifs à l’organisation économique et sociale. Il en existait, sous la IVe République, dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Il n’y en a pas dans celui de la Constitution de 1958.
Mais il en va tout différemment d’une troisième sorte de dispositions, relatives aux Déclarations des droits. D’esprit et d’allure philo-sophiques, ces dispositions énoncent les droits et libertés de l’homme et du citoyen. Dans l’histoire constitutionnelle, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, placée ensuite en tête de la Constitution de 1791, a été appelée à avoir un retentissement universel. Puis, à ce sujet, une formation sédimentaire du droit français d’aucuns diront un héritage fondamental de la nation, indispensable à la mémoire collective a relié entre elles nos Répu-bliques, ainsi qu’en témoigne le premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1958 : « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’Homme et aux principes de la souve-raineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946».
Ce renvoi au préambule de la Constitution de 1946 est d’autant plus important que les compléments que celui-ci a apportés à la Déclaration de 1789 sont nombreux et importants. Ainsi, à son alinéa 1er, il a été précisé que le peuple français « réaffirme solennellement », outre « les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des Droits de 1789 », «les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ».