La pensée anglaise
Les courants de pensée que l’on peut, schématiquement, rattacher aux idées anglosaxonnes semblent plus rebelles à une distinction des origines, philosophiques ou juridiques. Mieux vaut discerner certaines lignes de pensée, marquées par l’utilitarisme, le positivisme, l’évolutionnisme et l’empirisme. Autour de quelques idées, on peut évoquer des figures.
S’il existe dans l’histoire de l’idée de droit en Angleterre une tendance favorable à la théorie du droit naturel et dont le grand juriste Blackstone (1723-1780) a été souvent considéré comme un représentant éminent , le courant principal de la pensée s’est généralement orienté dans une autre direction. Ainsi est on plutôt enclin à rattacher Burke (1729-1799) à un mouvement idéologique analogue à celui de Montesquieu ou de l’école historique. Il convient surtout de situer dans cette ligne l’œuvre de Bentham (1748-1832), tout à la fois juriste et philosophe. Hostile à la théorie du droit naturel, Bentham fonde sur l’utile plus précisment sur le plaisir la morale et le droit : « Le droit lui-même ne présente que des idées de plaisir, d’abondance et de sécurité ». On pourrait, sur cette pente, craindre que la perspective retenue, en stimulant les égoïsmes, entraîne la destruction de l’ordre social ; mais Bentham entend surmonter l’objection en faisant état de la sympathie qui existe entre les hommes et de la crainte des représailles que peut susciter l’égoïsme. Cette attitude empiriste et positiviste, relayée par Austin (1790-1859), sera consolidée dans l’utilitarisme de Stuart Mill (1803-1873) . Le courant de la pensée analytique, dans la lignée d’Austin, sera ultérieurement illustré par l’œuvre de Hart.
Plus ou moins étroitement, les doctrines évolutionnistes, illustrées par la pensée anglaise, ont exercé une influence certaine sur la philosophie du droit. De l’analyse des espèces animales, où la lutte pour la vie entraîne une sélection naturelle, Darwin (1809-1882) avait dégagé une ligne d’évolution qu’il transpose dans les sociétés humaines. Reliant l’analyse évolutionniste à une conception utilitariste, Spencer (1820-1903) a considéré que le groupe social pouvait être comparé à l’être vivant et que certaines tendances présidaient à son évolution, y compris en matière juridique, ce qui contribua à un renouvellement sensible de l’approche des phénomènes juridiques dans un sens sociologique.