La pensée italienne
Les œuvres de philosophie du droit sont, dans la tradition italienne, très abondantes. Elles sont marquées par divers courants d’idées, ainsi que par une dialectique, beaucoup plus accentuée qu’ailleurs, entre les philosophes et les juristes, le tout étant ordonné sur la controverse entre partisans du droit naturel et adeptes du positivisme juridique.
Le xixe siècle est surtout dominé par l’œuvre de Rosmini (1797- 1855). Philosophe et théologien, celui-ci fonde ses analyses à la fois sur la tradition de saint Augustin et sur celle de saint Thomas, en établissant ou rétablissant une synthèse saisissante : Dieu demeure la source de toute connaissance humaine, y compris du droit; c’est dire que, surtout là où domine le catholicisme, il est difficile de dégager le droit de la morale et de la religion. A partir de là, le concept de personne humaine, être conscient, connaissant et libre, occupe une place centrale, de telle sorte que le rapport des hommes entre eux est celui de sujet à sujet, non celui de sujet à objet. Les droits fondamentaux dérivent de l’essence spirituelle de l’homme et ne se réduisent pas à l’intérêt de l’Etat ou de la société.
Les courants de pensée européens, illustrés par les pandectistes allemands, par l’Ecole de l’exégèse et par l’œuvre de François Gény se sont exprimés fortement en Italie, y trouvant un approfondissement et un enrichissement.
Image de proue de la philosophie italienne contemporaine, Bene detto Croce (1866-1952) a développé la théorie tendant à affirmer une identité du droit et de l’économie : chaque fait juridique est, à ses yeux, un rapport de deux volontés ou de deux individus, dont l’un domine et l’autre est dominé, pour des raisons d’utilité économique. Vers la même époque, Santi Romano (1857-1957) développe une théorie du droit considéré comme une institution, comme un ordre juridique autonome, dégagé de l’Etat, donc émancipé d’un être fictif qui borne le champ de l’observation; de la sorte, le droit se manifeste comme un « être réel », un système harmonieux, un corps social qui s’autogénère.
Le xxe siècle a été aussi marqué, en Italie, par une crise de la philosophie du droit, s’accompagnant d’une diversification très marquée des conceptions, liées à de multiples courants de pensée. Sénateur en 1922, puis ministre de l’instruction publique, Giovanni Gentile (1875- 1944) a développé une théorie du droit attachée au positivisme légaliste, ce courant de pensée atteignant avec lui son apogée dans l’esprit du fascisme italien : le droit est un « vouloir déjà voulu », à la différence de la morale, qui serait la volonté en acte. D’où une tentative de justification de la loi fasciste, seule source du droit, l’invocation de quelque droit naturel ne pouvant être que l’appel nostalgique à un passé révolu qu’il importe de refouler ou de combattre.
Mais ultérieurement s’est exprimée fortement une salutaire réaction contre les excès et les maléfices de la dictature mussolinienne, ainsi que la faiblesse des philosophies du droit mises au service d’idéaux d’essence totalitaire. Et un certain recours un certain retour? à des conceptions antipositivistes, si ce n’est jusnaturalistes, s’est heureusement produit . Une conciliation des deux courants positiviste et jusnaturaliste a été tentée par Norberto Bobbio, qui montre leur complémentarité. Marqué par l’influence de Kelsen, il développe cependant une conception de la science du droit dégagée de l’idée d’une recherche des valeurs. S’inspirant de la philosophie analytique, il étudie en effet la norme en tant que commandement irréductible, le recours au positivisme lui permettant de préciser le « principe d’effectivité » de cette norme. A ses yeux, le droit est un « ensemble de normes pourvues d’une efficacité réelle dans une société déterminée ».
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