La preuve de la coutume et de la loi étrangère
La preuve de la coutume
II est acquis que la coutume ou les usages constituent des règles de droit à part entière (supra, nos 202 s.). Pourtant, usages ou coutumes doivent, en cas de contestation, être établis dans leur existence et dans leur teneur par celui qui s’en prévaut. Cette exigence se justifie parce que le juge n’a pas les moyens de rechercher lui-même ces règles, qui ne font pas l’objet de publications officielles et unifiées, et que le système juridique ne peut l’y contraindre, même s’il lui permet de le faire, notamment lorsqu’il connaît précisément la coutume. Mais cette difficulté probatoire au détriment de la coutume par rapport à la loi rend moins efficace la normativité de la première par rapport à celle de la seconde.
La satisfaction de cette charge est facilitée par la règle selon laquelle la preuve peut en être librement rapportée, notamment grâce à la consultation de recueils, avis d’experts ou attestations écrites (parères) de personnes ou d’organismes, tels que les chambres de commerce. Cependant, si la coutume vient à prendre place dans une loi, elle est alors ipso facto soustraite à cette exigence probatoire.
La preuve de la loi étrangère
Une controverse doctrinale s’est développée quant à la nature de la loi étrangère. Certains ont affirmé qu’elle devait être « reléguée » au rang de fait, alors que d’autres, d’une façon convaincante, ont démontré qu’elle partageait avec la loi française le caractère de règle de droit à part entière. Elle répond en effet aux mêmes critères qui déterminent la source législative du droit. Il est non moins certain que la loi étrangère ne peut bénéficier de la même présomption de connaissance par le juge que la loi française, et c’est pourquoi, bien qu’étant règle de droit, elle est soumise à des exigences probatoires qui ne se justifient pas pour la loi française.
La solution du droit positif a été l’objet d’hésitations et même de fluctuations jurisprudentielles, étant au demeurant observé qu’à supposer une loi étrangère applicable en vertu de la règle de conflit (supra, n° 433), il s’agit de savoir à qui il appartient d’en établir la teneur. Une évolution s’est produite dans le sens d’un rapprochement entre la loi étrangère et la loi française.
Après s’être prononcée en ce sens en se référant aux « principes du droit international privé relatifs à la loi étrangère », c’est finalement par référence au seul article 12 NCPC, sans distinction entre ses alinéas , que la Cour de cassation a décidé « qu’il appartient au juge qui déclare applicable une loi étrangère de procéder à sa mise en œuvre, et, spécialement d’en rechercher la teneur » , quelle que soit la nature conventionnelle ou non de la règle de conflit désignant la loi étrangère. En d’autres termes, c’est alors de l’initiative prise par le juge qui déclare applicable une loi étrangère que résulte pour lui l’obligation de la mettre en œuvre. Reste que cette faculté d’initiative cesse lorsqu’il s’agit de droits indisponibles, c’est-à-dire de droits dont les parties n’ont pas la libre disposition.