Le conseil d'état : attributions
L’originalité du Conseil d’Etat résulte tout spécialement de la dualité de ses attributions, administratives et contentieuses.
1) Attributions administratives. Comme l’appellation semble le dire, le Conseil d’Etat est, en quelque sorte, un Conseil de l’Etat ou plus exactement du gouvernement . Dans l’accomplissement de cette tâche, il ne se lie d’ailleurs pas lui-même, car il peut et cela peut surprendre dire en section du contentieux le contraire de ce qu’il a pu dire en section administrative. Quoi qu’il en soit, le Conseil d’Etat est appelé à donner des avis au gouvernement, soit en matière législative, soit en matière réglementaire .
En matière législative, il doit être consulté sur tous les projets de loi , c’est-à-dire sur des textes d’origine gouvernementale; mais, n’étant pas le conseil du Parlement, il n’est consulté ni sur les propositions de loi, ni sur les amendements, car il s’agit alors de textes d’origine parlementaire.
En matière administrative, la mission du Conseil d’Etat est aussi très importante. S’agissant du domaine réglementaire, il est obligatoirement consulté sur les projets d’ordonnance (Const., art. 38), sur les projets de décrets abrogeant ou modifiant des textes de forme législa*tive antérieurs à 1958, ainsi que sur de nombreux textes réglementaires, soit parce que la loi l’ordonne, soit parce que le gouvernement le désire. S’agissant de décisions gouvernementales individuelles, le Conseil d’Etat peut aussi être appelé, soit obligatoirement, soit facultativement, à donner son avis. Il peut aussi être consulté par le gouver¬nement sur une question de droit.
2) Attributions judiciaires. A la différence de la Cour de cassation, le Conseil d’Etat n’est pas seulement un juge de cassation ayant pour mission de se prononcer sur les recours formés contre des décisions rendues en dernier ressort. Il peut être aussi appelé à se prononcer en qualité de juge du fond, soit comme juge de première instance, soit comme juge d’appel.
Le Conseil d’Etat est compétent en premier et dernier ressort dans des cas « exceptionnels », entendons exception à la compétence de droit commun des tribunaux administratifs . Reste que ces cas exceptionnels sont importants, quantitativement environ 25 % des arrêts et qualitativement, car la compétence du Conseil d’Etat concerne généralement des actes « de portée nationale » : recours en annulation contre les décrets et les ordonnances, contre les actes réglementaires des ministres, contre les actes administratifs des ministres pris obligatoirement après avis du Conseil d’Etat. Celui-ci est aussi compétent en premier et dernier ressort pour se prononcer sur les recours formés contre les mesures individuelles concernant les fonctionnaires ou agents publics nommés par décret du Président de la République. Il se peut encore que d’autres actes administratifs relèvent de la même compétence parce qu’ils peuvent avoir une ampleur nationale et qu’il convient d’éviter d’emblée à leur sujet une contrariété de décisions entre des tribunaux administratifs.
Bien qu’il existe des cours administratives d’appel ayant en principe compétence pour statuer sur les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs, le Conseil d’Etat est compétent, en tant que juge d’appel, pour connaître des appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ayant statué sur les recours en apprécia¬tion de légalité et sur les recours relatifs aux élections municipales et cantonales.
Enfin, le Conseil d’Etat peut se prononcer comme juge de cassation. Son rôle est alors comparable à celui de la Cour de cassation . Comme elle, il ne connaît que des moyens de droit. En son sein, il existe une formation de « filtrage » appelant une comparaison avec ce qui, à la Cour de cassation, était autrefois la chambre des requêtes et ce qui est aujourd’hui la formation restreinte. Il existe, en effet, au Conseil d’Etat, depuis une loi du 31 décembre 1987, une pro¬cédure préalable d’admission devant être suivie en cas de pourvoi contre un arrêt d’une cour administrative d’appel et qui accorde à la commis¬sion d’admission des pourvois en cassation le pouvoir de refuser, par décision juridictionnelle, d’admettre un pourvoi si celui-ci est irrece¬vable ou n’est fondé sur aucun moyen sérieux . Si, des considérations qui précèdent, se dégagent des traits communs entre Conseil d’Etat et Cour de cassation, il n’en subsiste pas moins des différences importantes : ainsi, tandis que, devant la Cour de cassation, le pourvoi est subordonné à l’existence d’un cas d’ouverture à cassation violation de la loi, défaut de motifs, manque de base légale , le pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat est ouvert de plein droit en vertu des principes généraux ; ainsi encore, les conséquences d’une cassation diffèrent d’une juridiction à l’autre :rares sont les cas de cassation sans renvoi, à la Cour de cassation ; il en va autrement au Conseil d’Etat qui peut notamment « régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie ».