La garantie contre les vices cachés
L’art. 1641 du code civil « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropres à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».
Elle est en outre susceptible de se chevaucher avec des actions dirigées contre le vendeur sur d’autres fondements.
L’action a beaucoup évolué sous l’impulsion de la jurisprudence qui oppose en particulier les ventes conclues avec un professionnel à celles avec un consommateur. La situation est d’autant plus complexe qu’il faut également compter, d’une part, avec la loi du 19 mai 1998 posant une responsabilité objective du fait des produits défectueux et, d’autre part, avec la nouvelle garantie de conformité instituée en 2005 et modifiée en 2021 pour les ventes conclues avec des consommateurs.
Le champ d’application
Toutes les ventes ne sont pas soumises à la garantie des vices cachés. Les exclusions sont de deux natures. Les premières exclusions concernent les ventes dites aléatoires. On parle aussi de ventes « en l’état ». Dans cette hypothèse, l’acquéreur accepte de prendre le bien « en l’état » et il accepte les éventuels vices de la chose. Il acquiert la chose à ses risques et périls.
Attention, la garantie ne sera pas être écartée en cas de mauvaise foi du vendeur.
Les autres exclusions portant sur les ventes faites par autorité de justice. L’acquéreur pourrait en revanche actionner le vendeur du vendeur s’il en existe un, en raison de la transmission de l’action en garantie contre les vices cachés.
Attention, ne sont visées par cette exclusion que les ventes décidées par autorité de justice. Les ventes volontaires faites par justice en raison de la volonté des parties sont quant à elles bien soumises à la garantie contre les vices cachés.
Les conditions de la garantie contre les vices cachés
Ainsi, pour que la garantie des vices cachés soit mise en œuvre, il faut prouver un vice, que ce vice soit inhérent à la chose, qu’il soit antérieur à la vente et enfin qu’il soit caché.
La notion de vice
Le vice doit présenter un certain degré de gravité, il faut ainsi prouver un vice rédhibitoire, i.e un vice qui empêche l’usage normal de la chose, qui la rend totalement ou non inutilisable.
Il n’est toutefois pas exigé qu’il empêche une utilisation complète de la chose. Il faudra cependant un vice d’une certaine gravité qui diminue réellement l’usage du bien.
Le vice qui diminue partiellement l’usage de la chose mais qui ne le rend pas impropre à cet usage n’est pas un vice caché (3ième civ., 11 juillet 2019) : pour l’étang pollué dans une propriété, ce vice ne rend pas le bien impropre à son usage).
Le vice inhérent à la chose :
Le mécontentement de l’acheteur doit trouver son origine dans un défaut de la chose et non pas dans les avantages particuliers qu’il espérait en tirer.
Par ex, le vendeur garantit un potentiel technique mais pas une rentabilité économique liée à l’exploitation de la chose, des parts sociales d’une société ne sont pas viciées par l’existence d’un important passif social car cela diminue seulement leur valeur et pas leur usage.
Un médicament n’est pas vicié parce qu’il serait incompatible avec un autre (Cass. 1ère civ., 8 avril 1986)
Lorsque le vice n’est pas inhérent à la chose, l’acquéreur pourra trouver satisfaction sur le fondement de l’obligation d’information et de conseil.
Le vice antérieur à la vente : Le vice doit être antérieur à la vente. La règle res perit domino implique que les défauts postérieurs soient à la charge de l’acquéreur, par ex, défaut d’usure survenu après la vente.
Il faut prendre en compte la date de naissance du vice. Le vendeur ditgarantir les vices qui existaient à l’état de germe au jour de la vente.
Le vice caché :
La garantie ne sera due que si le vice était caché, ‘il n’était pas apparent.
Deux règle pour apprécier cette exigence
Tout d’abord, un vice n’est apparent que s’il est connu « dans sa cause et son amplitude. è Le défaut est apparent l’acheteur n’était pas en mesure d’en mesurer l’importance, il est assimilé à un vice caché (petites fissures sur un mur qui relèvent de graves problèmes de structure).
Ensuite, la jurisprudence a tranché en faveur d’une appréciation in concreto du caractère caché. Ainsi, le vice caché est celui que l’acquéreur ne pouvait pas déceler compte tenu à la fois de ses compétences et de la nature de la chose.
Si l’acheteur est profane : Il n’est tenu que des vérifications normales, liée à ses seules qualités personnelles. La JP fait ainsi généralement preuve d’une certaine tolérance à son égard.
Par ex. les dégradations de la charpente qui ne pouvaient être constatées qu’après une visite des combles lesquelles étaient très difficiles d’accès constituent des vices cachés pour l’acquéreur profane.
L’acheteur profane n’a pas à se faire assister d’un professionnel afin de mieux déceler le vice, ni à procéder à des essais.
Lorsque le vendeur attire l’attention de l’acquéreur sur un risque, le vice ne sera plus caché. Par ex, la jurisprudence a pu admettre que l’acte de vente précisant que le bien immobilier vendu avait fait l’objet d’un traitement antiparasitaire, l’acquéreur avait eu l’attention attirée sur le possible retour des insectes (voir en ce sens, Cass. 3ième civ., 22 novembre 1995).
Si l’acheteur est un professionnel : La JP est plus sévère à son encontre puisqu’elle a posé une présomption de connaissance du vice. Cette présomption est simple, ce qui implique que l’acquéreur peut rapporter la preuve que le vice était indécelable au moment de la conclusion du contrat.
Les conditions de mise en œuvre de la garantie des vices cachés
Avant l’Ordonnance du 17 février 2005, l’article 1648 imposait à l’acheteur d’agir dans un « bref délai », apprécié souverainement par les juges de fond (entre quelques mois et un an).
Le délai est désormais de deux ans.
Pourquoi un si court délai ? l’écoulement du temps rendra plus délicate la preuve de l’antériorité du vice même si ce fondement manque aujourd’hui un peu de pertinence avec le développement des moyens techniques qui permettent de dater l’origine du vice.
Le point de départ du délai est fixé au jour de la découverte du vice par l’acheteur. En pratique, on retiendra souvent le jour où un rapport d’expertise a été déposé.
Pour la doctrine, pour la garantie des vices cachés, le délai est donc de 2 ans à compter de la découverte du vice mais de 20 ans à compter de la conclusion du contrat. Si cette solution a semblé être remise en cause par un arrêt récent, (v. en ce sens, Cass. 1ère civ., 6 juin 2018, pourvoi n° 17-17.438, publié ), la JP est aujourd’hui bien fixée : l’action ne peut être introduite plus de 20 ans après la conclusion du contrat (1ère civ., 1er octobre 2021, ainsi que Cass. 3ième civ., 8 déc. 2021).
- l’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, sans pouvoir excéder un délai plafond de vingt ans à compter de la date de conclusion de la vente.
Le vice caché constitue un fait juridique. Sa preuve pourra donc se faire par tout moyen. En pratique, l’acheteur recourt souvent à une expertise. Ensuite, la charge de la preuve se répartit comme suit. L’acquéreur doit prouver l’existence du vice et tous ses caractères. Quant au vendeur, il lui appartiendra s’il veut se dégager de son obligation de garantie de démontrer le caractère apparent et l’écoulement du délai.
Les effets de la garantie contre les vices cachés
L’article 1644 code civil, offre un choix à l’acquéreur entre une action rédhibitoire et une action estimatoire.
En principe, l’acquéreur est libre de choisir entre ces deux actions. Il n’a pas à justifier de son choix qui s’impose au juge (Cass. 3ième civ., 20 octobre 2010,).
L’action rédhibitoire ne peut aboutir lorsque l’acheteur n’est plus en mesure de restituer la chose. Ensuite, il semble que la JP refuse parfois l’action rédhibitoire lorsque le défaut n’est pas assez grave. Considérant qu’il n’y a alors pas à proprement parler de vice rédhibitoire, seule une réduction de prix sera possible.
Enfin, les parties peuvent aménager les sanctions. Les clauses organisant la réparation ou le remplacement du bien sont valables sauf dans les contrats conclus entre un professionnel et un profane (Cass. 3ième civ., 11 mai 1994, Bull. civ. n° 95).
L’action rédhibitoire
La JP a jugé que l’acheteur n’est pas tenu de verser une indemnité pour jouissance de la chose. Voir en ce sens, Cass. 1ère civ. 21 mars 2006. Plus récemment, elle a rappelé que « le vendeur était tenu de restituer le prix qu’il avait reçu, sans diminution liée à l’utilisation de la chose vendue ou à l’usure en résultant » (Cass. 1ère civ., 19 février 2014). Il s’agit ici d’une conception stricte du droit des restitutions : la jouissance n’étant pas une obligation du contrat de vente, il n’y a pas à restituer cette jouissance.
Cependant, la réforme du droit des obligations a modifié les solutions.
L’art. 1252-3 du code civil dispose ainsi que « la restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée ».
Reste à savoir si cette solution du droit commun des contrats pourra ou non modifier celle applicable au droit de la vente … Enfin, l’acheteur pourra converser les fruits qu’il aura perçus de la chose.
L’action estimatoire : Cette action va permettre à l’acquéreur d’obtenir une indemnité qui viendra finalement diminuer le prix de vente. Cette réduction correspond à la perte de valeur du bien en raison du vice qui l’affecte.
« Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur » (art. 1645 du code civil). Ainsi, si le vendeur était de mauvaise foi, il devra verser des DI en plus de l’action estimatoire ou rédhibitoire.
La preuve de la mauvaise foi incombe à l’acheteur puisqu’en droit, la bonne foi est toujours présumée. Cependant, la JP a posé une présomption de mauvaise foi du vendeur professionnel (Jp ancienne : Cass. 1ère civ., 19 janvier 1965).
Cette présomption est irréfragable, de sorte que le vendeur professionnel ne peut s’en exonérer. La règle s’applique ainsi même si le vendeur professionnel n’a jamais été en possession de la chose et même s’il s’agit d’un vice indécelable (Cass. com., 15 novembre 1971)
Une personne qui effectue des opérations à titre habituel peut se voir reconnaître la qualité de professionnel, même s’elle exerce une autre profession. Voir par ex, Cass. 3ième civ., 4 mars 2014. (le maçon qui achète un entrepôt pour le transformer est un professionnel).
Les DI pourront être demandés en plus d’une action rédhibitoire ou estimatoire ou être demandés indépendamment de toute action.
Les aménagements conventionnels de la garantie contre les vices cachés
La réduction de la garantie contre les vices cachés
Le vendeur est un professionnel
Acquéreur non-professionnel : Les clauses réduisant la garantie contre les vices cachés ne sont pas valables. Une telle clause constitue une clause abusive, prohibée par l’art. L. 212-1 du code de la cons
Acquéreur professionnel : En principe, la présomption de mauvaise foi fait obstacle à toute clause limitative de responsabilité. Cependant, si l’acheteur est un professionnel de même spécialité, la JP admet la validité de la clause limitative. Pour la JP, le professionnel de même spécialité a les compétences suffisantes pour connaître les risques du bien vendu. V. par ex, Cass. 1ère civ., 10 octobre 2019.
Le vendeur est un non-professionnel
Les clauses limitatives de responsabilité sont autorisées
Ex de clauses réduisant la garantie : une clause ne garantissant que certains vices cachés et non tous les vices. La clause peut aussi réduire la durée de la garantie.
L’extension de la garantie contre les vices cachés
Les clauses étendant la garantie des vices cachés sont valables.
Ex des clauses qui permettraient la garantie pour des défauts mineurs n’ayant pas le caractère rédhibitoire. Ou encore, la clause allongeant la durée de la garantie.