Le développement de la pensée moderne
Au xvne et au xviiie siècle, on assiste, de divers côtés et dans diverses voies, à un développement de la philosophie du droit. A vrai dire, méditant davantage sur la morale et sur la science, nombre de philosophes ne trouvent ou ne situent le droit qu’au terme de leur construction, souvent par et à travers la politique. Certains n’assignent au droit qu’une place limitée . Et, s’il est évident que la philosophie du droit a été nécessairement influencée par le cartésianisme, il est vrai que Descartes (1596- 1650) s’est contenté, au moins provisoirement, d’un certain positivisme juridique et d’une « morale par provision » consistant notamment, ainsi qu’il le précise dans le Discours de la Méthode, à « obéir aux lois et aux coutumes de mon pays ».
La pensée de Spinoza (1632-1677) n’est pas indifférente au droit, sinon dans YEthique (1677), du moins dans le Traité théologicopolitique (1670) et dans le Traité politique (1677). A partir d’une description de l’origine de la société semblable à celle de Hobbes, Spinoza aboutit à des conclusions très différentes, puisqu’il se prononce en faveur d’un Etat libéral, favorisant les affections raisonnables qui animent les hommes, assurant le maintien du droit naturel de l’individu et créant un droit civil qui repose sur une analyse conventionnelle de ce qui est juste et de ce qui ne l’est pas.
La philosophie du droit qui se dégage de l’œuvre de Leibniz (1646- 1716) figure principalement dans la Monadologie (1714). L’origine du droit se trouve, selon Leibniz, dans l’amour; la justice n’est autre que la charité du sage. Leibniz repousse énergiquement la doctrine qui restreint la justice aux relations extérieures des personnes et blâme sévèrement Puffendorf qui a soutenu cette théorie. Et il distingue trois degrés dans le droit naturel : le jus strictum, consistant dans la justice commutative; 1 ’aequitas ou la charitas, se manifestant par la justice distributive ; la pietas ou la probitas, se confondant avec la justice uni-verselle (honeste ou pie vivere). A côté de la loi naturelle invariable, qui suppose la croyance en la Providence, il y a les lois positives qui varient selon les circonstances.
Rousseau (1712-1778) devait donner à la théorie du contrat social une ampleur sans précédent. Fidèle au thème d’un état de nature dans lequel, à l’origine, les hommes vivent libres, égaux et heureux (Discours sur l’origine et le fondement de l’inégalité parmi les hommes, 1753) et tenant compte de la cessation de cette situation de nature, il s’emploie à déterminer, autrement que sur le terrain pour le moins hypothétique de l’histoire, les conditions d’une organisation sociale satisfaisante et même légitime (Du contrat social, 1762). Exaltant la « volonté générale » à laquelle l’individu ne saurait se soustraire, puisqu’il s’exprime par et à travers elle, Rousseau a exercé une influence considérable, qui éclipse quelque peu, du moins dans cet ordre d’idées, le rayonnement de la pensée de Montesquieu ou de Voltaire.