Le système du droit
Le système juridique
On envisage volontiers de nos jours, par cette expression, le droit comme système. Les interrogations qui carac¬térisent cette démarche et qui ont trait à la définition, à l’autonomie, aux propriétés structurales de celui-ci, se relient à un effort tendant à la compréhension de son caractère systématique. A l’évidence, la force du courant positiviste a favorisé cet axe de réflexions. Au sens courant du mot, la considération du système du droit ou la comparaison des systèmes juridiques ne date pourtant pas d’aujourd’hui.
Sinon le mot, du moins l’idée de système était connue des Grecs. La signification du terme se manifeste surtout avec les Modernes : on vise par là un ensemble de procédés méthodiquement ordonnés ou encore un ensemble d’objets liés par des rapports stables : système solaire, système biologique, système social, système économique, poli¬tique, juridique. Ainsi que l’écrit Condillac, « un système n’est autre chose que la disposition des différentes parties d’un art ou d’une science dans un ordre où elles se soutiennent toutes mutuellement, et où les dernières s’expliquent par les premières. Celles qui rendent raison des autres s’appellent principes; et le système est d’autant plus parfait que les principes sont en plus petit nombre ; il est même à souhaiter qu’on les réduise à un seul».
Il est compréhensible que la notion de système soit, du fait même de la complexité du droit, appliquée à celui-ci. Reste que la systématisa-tion que l’on a pu avoir tendance à attacher au droit romain lui a fait défaut : il manquait alors une idée directrice, encore trop diffuse, suivant laquelle la règle générale est l’élément essentiel du droit. C’est au xiiic siècle, par l’effet de la redécouverte de la logique aristotélicienne, que s’est développée la perception du droit en tant que système, et tout ce qui s’ensuivit, tout particulièrement les tentatives systématiques de l’École du Droit Naturel moderne, puis, au xixe siècle, les grands systèmes pandectistes.
Droit et système
Bien que, dans la compréhension et l’explication du droit, les concepts d’unité, de cohérence et de hiérarchie soient maintenus, l’approche du phénomène juridique en tant que système a fait l’objet d’un profond renouveau des analyses et d’un renouveau des controverses, liés dans une large mesure au développement de l’analyse systémique.
L’expression de système juridique peut désigner, tout d’abord un tissu de relations sociales intelligibles se manifestant au sein d’un ensemble ordonné par le droit. C’est de cette manière qu’Hobbes considère les différents types de sociétés et Kant, le « système des Etats » dans la Critique de la Faculté de juger . La démarche ne distingue pas aisément la réalité et la norme qui l’organise. Dans la ligne de cette tradition de pensée, on a retenu une modélisation tendant à exprimer la circularité du phénomène : élaboration des normes, exécution de celles-ci par les autorités publiques, application des normes à la suite des recours des particuliers, constructions doctrinales, puis élaboration de normes nouvelles.
Ce qui complique aujourd’hui la démarche, c’est qu’il existe nombre d’autres définitions ou descriptions du système juridique et nombre d’autres distinctions corrélatives. Ainsi, dans un ouvrage célèbre, H.L.A. Hart distingue les règles primaires, en vertu desquelles sont ordonnées ou interdites certaines activités, et les règles secondaires fixant les modes d’accomplissement des actes législatifs, des actes juridictionnels et des actes juridiques, en accordant des droits, en reconnaissant des compétences.
D’autres auteurs situent plus ou moins leurs analyse autour de la distinction de l’espace normatif et de l’ordre normatif :l’espace normatif s’ordonne suivant des chaînes logiques, de sorte qu’une proposition est justifiée parce qu’elle dérive d’une autre par son contenu, en extension et en compréhension; l’ordre normatif s’ordonne sur des chaînes il’ habilitation : c’est pourquoi une proposition est justifiée parce qu’elle a été prescrite par une norme supérieure.
Sur ces concepts, sur le Kelsénisme récurrent que nombre de théo- 11rs véhiculent, une littérature abondante s’est développée et se développe, qu’il ne nous appartient pas ici de décrire et d’apprécier. On se intentera d’observer qu’il n’y a pas un système du droit, mais des systèmes du droit, qu’ils ont varié et varient dans l’espace et dans le temps, qu’il convient de retenir ici une dualité logique de conception et qu’en termes de systèmes, on peut distinguer « d’une part, un droit de conception “cybernétique” au sens de la théorie de la commande, et, d’autre part, un droit de conception “auto-organisationnelle” au sens de la théorie de l’autonomie».
Plan
On envisagera successivement l’environnement du système français dans l’espace (Section 1) et dans le temps (Section 2), puis les distinctions de ce système (Section 3).
Vidéo : Le système du droit
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