Les systèmes de protection des droits fondamentaux
Le contrôle du respect des droits fondamentaux est aux niveaux national et européen essentiellement assuré par la voie juridictionnelle. En revanche, sur le plan international universel, cette protection est assurée au moyen de techniques moins contraignantes.
Il n’en reste pas moins que le système de protection effectif résulte essentiellement de l’action juridictionnelle, ce qui n’est pas sans incidences sur le « système » des droits fondamentaux.
Les mécanismes de protection au niveau international universel
Dans le cadre de l’ONU, le Pacte international sur les droits civils et politiques a institué un Comité des droits de l’homme, organe indépendant des États signataires du Pacte. Ce comité peut connaître sur le fondement de saisines individuelles ou de saisines étatiques des atteintes aux droits énoncés dans le Pacte. Les recours individuels ne sont permis qu’en cas d’épuisement des voies de recours internes. Dans ce cadre, le Comité ne peut qu’adresser au particulier qui l’a saisi et à l’Etat intéressé des « constatations » dépourvues de toute portée juridique. Le Comité peut cependant proposer des mesures propres à faire cesser ou à réparer l’atteinte au droit violé et suivre l’application de ces propositions. S’agissant des saisines étatiques, le Comité exerce essentiellement un rôle de conciliation.
Les mécanismes de contrôle par la Cour européenne des droits de l’homme
I a Cour européenne des droits de l’homme peut être saisie par toute personne ou toute organisation non gouvernementale qui s’estime victime d’une violation d’un droit reconnu par la Convention européenne des droits de l’homme. Les requêtes sont filtrées par un comité de trois juges. La recevabilité de la requête est subordonnée à l’épuisement préalable des voies de recours internes, c’est-à-dire nationales. Si la requête est jugée recevable, l’affaire est jugée par une chambre de la (our. Le jugement a pour objet de constater une éventuelle violation et de prévoir le cas échéant une réparation pour la victime. Les arrêts de la Cour s’imposent aux Etats. L’affaire peut, à titre exceptionnel, notamment lorsqu’il s’agit d’une question grave relative à l’interprétation de la Convention ou d’une question de portée générale, être renvoyée devant la Grand’Chambre pour réexamen. La Cour reconnaît à ses décisions l’autorité de la chose interprétée : c’est-à-dire que ce n’est pas seulement la solution d’espèce qui s’impose aux États, mais aussi l’interprétation que la Cour donne des dispositions de la Convention.
Par ailleurs, l’article 24 de la Convention permet une saisine des organes juridictionnels par toute partie contractante concernant tout manquement à la Convention imputé par cet Etat à une autre partie contractante. C’est ainsi une sorte d’action publique en faveur de la protection des droits reconnus qui est attribuée à chaque Etat. Cependant, cette procédure a été peu utilisée, et l’a été en grande partie dans le cadre de différends étatiques ne concernant pas principalement la protection des droits fondamentaux (statut de Chypre, problèmes de l’Irlande du Nord), et les solutions ont pris, pour l’essentiel, une tournure diplomatique.
Le contrôle par le juge national
Les juges judiciaires ou administratifs peuvent être conduits à opérer un contrôle du respect des droits fondamentaux, tant au regard des exi¬gences constitutionnelles (contrôle de constitutionnalité) que conven¬tionnelles (contrôle de conventionnalité).
S’agissant du contrôle de conventionnalité, le juge national doit écarter l’application d’une norme législative nationale contraire à un traité ou à une convention internationale.
En matière de droits fondamentaux, cette procédure joue essentiellement en faveur de la Convention européenne des droits de l’homme et du droit communautaire. En revanche, les juges judiciaires et administratifs se refusent à faire prévaloir la Constitution sur une norme législative contraire.
Les principes constitutionnels relatifs aux droits fondamentaux peuvent cependant être invoqués, sous certaines conditions, dans un litige de droit privé ou de droit public, ou à l’encontre d’un acte administratif.
En France, le contrôle du respect des droits fondamentaux constitutionnels est essentiellement assuré par le Conseil constitutionnel, qui peut être saisi de toute loi, après son vote par le Parlement et avant sa promulgation par le président de la République, le Premier ministre, les présidents des assemblées parlementaires, soixante députés ou soixante sénateurs. Saisi le plus souvent par l’opposition parlementaire, lr Conseil constitutionnel a développé une jurisprudence importante en matière de protection des droits fondamentaux. Certains projets de réforme constitutionnelle envisagent une possibilité de saisine du Conseil constitutionnel par les citoyens ou à l’initiative de ces derniers.
En cas de conflit entre une disposition constitutionnelle et une disposition conventionnelle, relatives l’une et l’autre aux droits fondamentaux, le juge fait prévaloir la disposition constitutionnelle.
Cependant, s’agissant du droit communautaire, le juge constitutionnel et le juge administratif font prévaloir, en vertu des dispositions de l’article 88-1 île la Constitution, et sous certaines conditions, la norme européenne, sauf si cette dernière est contraire à « une règle ou à un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France ».
D. L’homogénéisation des jurisprudences relatives à la protection des droits
fondamentaux l’émergence d’un nouveau système juridique fondé essentiellement sur les droits fondamentaux est l’une des caractéristiques essentielles de l’évolution du droit.
L a fondamentalité ainsi reconnue à certains droits bouleverse les fondements mêmes du droit positif. Le système de la démocratie majoritaire voit sa légitimité remise en cause en ce que la souveraineté du peuple est contestée lorsqu’il s’agit de remettre en cause des droits fondamentaux.
C’est à partir de cette analyse que se sont développées, notamment en Allemagne et en Italie, des théories relatives à la
soumission du peuple souverain au respect de certains droits fondamentaux, respect qui peut déboucher sur un contrôle par le juge des lois constitutionnelles votées par le peuple.
Dans de nombreuses régions du monde, notamment en Europe, la prégnance de ce système est assurée par le développement du rôle des juges, constitutionnels ou supranationaux, érigés en gardiens de ce droit.
Ainsi le juge fait-il valoir un large pouvoir d’interprétation des droits reconnus par un texte, voire une mission d’adaptation des droits et libertés aux évolutions de la société. Il concurrence alors directement sur ce terrain le législateur, le constituant ou les Etats.
Par ailleurs, l’influence de ce système d’affirmation et de détermination juridictionnelle des droits fondamentaux est renforcée par un phénomène d’homogénéisation des jurisprudences.
Ainsi, de plus en plus fréquemment, les juges nationaux et internationaux font appel au droit comparé ou aux jurisprudences des autres ordres de juridiction pour résoudre les questions qui leur sont soumises et dont la solution renvoie aux droits fondamentaux.