Droit civil : Les sûretés
Les sûretés sont liées au crédit, qui suppose qu’une dette est payable quelque temps après sa naissance (ainsi, l’emprunteur ne doit rembourser une somme d’argent prêtée qu’après un certain délai). Grâce à la sûreté, le créancier est protégé, non seulement contre la mauvaise volonté du débiteur lorsque l’obligation deviendra exigible, mais aussi i outre l’évolution générale de ses affaires si elle le précipite dans l’insolvabilité (le risque principal du crédit).
Les sûretés sont indispensables au développement de l’activité économique : pas de sûreté, pas de crédit ; pas de crédit, pas d’économie moderne ; pas d’économie moderne, chômage, pauvreté et, souvent, dictature. Le droit des sûretés a été entièrement réécrit par une ordon- n.mce de 2006.
A. La créance chirographaire
Lorsqu’un créancier n’a pas de sûreté, il est chirographaire. Sans doute peut-il exercer sa créance sur tous les biens composant le patrimoine de son débiteur, ce que l’on appelle le droit de gage général. Il peut ainsi saisir un élément quelconque de ce patrimoine (sauf les biens insaisissables) et se faire payer sur le prix résultant de la vente forcée : « Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers et le prix s’en distribue entre eux par contribution, à moins qu’il n’y ait entre ces créanciers des causes légitimes de préférence » (art. 2285).
Mais c’est un droit fragile, car il ne s’exerce que sur les biens existants lors de- la saisie. Or, entre le jour de naissance de la créance et son exigibilité, le patrimoine du débiteur a pu se modifier, et notamment diminuer. Surtout, le créancier chirographaire concourt avec les autres créanciers, et si le patrimoine du débiteur ne suffit pas à les payer tous, le payement se fera au « prix de la course », ou ne se fera pas, faute de biens.
Il en est autrement dans le droit des affaires – largement entendu, puisqu’il comprend l’entreprise agricole et les professions libérales -, où sont organisées des procédures collectives (l’ancienne « faillite »), faisant régler par le juge le payement des dettes proportionnellement au montant de la créance.
B. Les sûretés personnelles
Les sûretés sont dites personnelles lorsque, au débiteur principal, s’adjoignent d’autres débiteurs pour la même dette, que le créancier peut poursuivre. L’exemple le plus ancien et le plus classique est le cautionnement. La caution garantit le payement ; si elle paye la dette du débiteur, elle a un recours contre lui. Elle n’est tenue que si le débiteur est obligé : sa dette est accessoire ; elle peut donc opposer au créancier poursuivant tous les modes de défense (on les appelle des exceptions) qu’aurait pu invoquer le débiteur.
Pour renforcer les droits du créancier, ce qui est surtout utile lorsque le crédit est international et important, la pratique — à l’origine les banques américaines —, consacrée par l’ordonnance de 2006, a inventé les garanties autonomes (dites encore à première demande) où le garant est tenu quelle que soit la validité de la créance. Il ne peut donc opposer au créancier les exceptions du débiteur : une sorte de billet de banque ; en cas de payement, le garant, comme une caution, a un recours contre le débiteur principal.
C. Les sûretés réelles
Il existe deux sortes de sûretés réelles : les sûretés immobilières, dont le modèle est l’hypothèque, et les sûretés mobilières (le gage et les nantissements sans dépossession). Les sûretés réelles ne confèrent pas au créancier un débiteur supplémentaire, chargé de payer en cas de carence du débiteur principal. Sur un bien du débiteur, le créancier se voit attribuer un droit de préférence qui s’exerce sur le prix résultant de la vente forcée (par une saisie). Il sera payé avant les autres, par priorité, lors de la distribution du prix.
Ce droit protège le créancier contre le risque du concours, mais non contre la disparition du bien sur lequel s’exerce la sûreté. Dans les sûretés réelles les plus anciennes, il est protégé contre ce risque par la dépossession du débiteur qui remet au créancier le bien grevé de la sûreté réelle ; ainsi en est-il du gage. Mais la dépossession est impossible lorsqu’il s’agit d’un immeuble ou d’un meuble incorporel ; elle peut aussi être inopportune lorsqu’il s’agit d’un bien n’ayant de valeur que par l’usage que le débiteur en fait (automobile ou outillage industriel et commercial, par exemple). Aussi des sûretés sans dépossession ont-elles dé organisées, où le créancier est pourvu d’un droit de suite, qui lui permet de saisir le bien en quelques mains qu’il se trouve.
Les deux attributs de la sûreté réelle que sont le droit de préférence et le droit de suite ne sont efficaces que s’ils sont opposables aux tiers (autres créanciers et acquéreurs du bien), au moyen d’une publicité : publicité foncière pour les sûretés immobilières, et autres publicités pour les sûre- les mobilières (par exemple une inscription sur un registre).
Les sûretés conventionnelles sont perturbées par les privilèges : la loi accorde à certains créanciers, en raison de la qualité de leur créance, le droit d’être payé par préférence, même avant les créanciers munis de sûretés. Le privilège peut être général, portant sur l’ensemble des biens du débiteur (par exemple le privilège du fisc ou celui de la sécurité si maie) ; il peut aussi être spécial, mobilier ou immobilier (le privilège du vendeur d’immeuble, par exemple).