Droit des affaires : Le traitement des difficultés des entreprises
On a comptabilisé 41 800 défaillances d’entreprises en 2005. Une entreprise est en situation de défaillance à partir du moment où une procédure de redressement judiciaire est ouverte à son encontre. Le législateur a mis en place un arsenal complet de mesures destinées au traitement des difficultés des entreprises, allant de la prévention à la liquidation, en passant par les techniques de règlement négocié et les mesures d’accompagnement judiciaire comme la sauvegarde et le redressement.
1. La prévention des difficultés
Les pouvoirs publics sont très fortement impliqués dans la prévention des risques de défaillance. On soulignera le rôle de la Banque de France, laquelle recueille des informations sur les incidents de paiement et attribue aux entreprises des cotations permettant de connaître leur qualité financière.
Des structures de prévention et de surveillance sous tutelle des pouvoirs publics ont été mises en place, au niveau local sous l’égide des préfets, au plan national sous la surveillance du ministre de l’Economie, pour les entreprises de plus de 400 salariés.
Les acteurs judiciaires participent aussi à cette mission de détection et de prévention des difficultés : les experts de minorité ou de gestion, les juridictions commerciales et civiles. Le président du tribunal peut convoquer un dirigeant pour l’entendre sur des questions intéressant la santé financière de l’entreprise. Certains acteurs disposent même d’un droit d’alerte des autorités judiciaires en cas de difficulté, comme le commissaire aux comptes, le comité d’entreprise ou les centres de diagnostic.
2.Le règlement négocié des difficultés
Le règlement amiable ayant été supprimé par la loi de juillet 2005, le dispositif tourne autour de deux techniques : le mandat ad hoc et la procédure de conciliation.
• Le mandat ad hoc concerne généralement une difficulté particulière que l’on cherche à régler avec la désignation judiciaire d’un mandataire ad hoc, chargé de trouver une issue amiable au problème rencontré par l’entreprise.
• La procédure de conciliation est ouverte à la demande de l’entreprise qui doit faire face à des difficultés de nature économique, sociale ou financière, susceptibles de mettre en péril son avenir. L’idée est de rechercher un accord amiable avec les créanciers pour renégocier la dette. Encore faut-il que les principaux créanciers soient d’accord pour rendre efficace cette solution négociée.
3. Les mesures d’accompagnement judiciaire
A la procédure de redressement judiciaire est venue se rajouter la procédure de sauvegarde (loi du 26 juillet 2005). La sauvegarde (articles L620- 1s C. com.) est destinée à favoriser le traitement de difficultés plus en amont, comparativement à ce que permettait l’ancien régime de la loi de 1985. En effet, la sauvegarde peut être déclenchée alors que la cessation des paiements (critère traditionnel de déclenchement du redressement judiciaire) n’est pas encore effective. Il suffit que l’entreprise justifie de difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à la conduire à la cessation des paiements. Il s’agit d’offrir aux débiteurs de bonne foi la possibilité d’anticiper leurs difficultés.
La procédure débute la nomination d’un administrateur judiciaire (sauf pour les petites entreprises), mais en principe, le dirigeant d’entreprise n’est pas dessaisi (contrairement au redressement judiciaire). Le jugement ouvre une période d’observation au cours de laquelle est évaluée la situation de l’entreprise : le débiteur propose des solutions à ses créanciers, réunis en deux comités (établissements de crédit d’une part, principaux fournisseurs d’autre part). La sauvegarde entraîne la suspension des poursuites par les créanciers.
L’administrateur élabore un plan de sauvegarde au vu du bilan économique, social et environnemental. Lorsque le projet de plan est adopté par les comités, le tribunal s’assure que les intérêts de tous les créanciers sont sauvegardés et homologue le plan, à l’issue de la période d’observation. Toutefois, si pendant la procédure ou l’exécution du plan de sauvegarde, la cessation des paiements est constatée, le tribunal peut décider de la résolution du plan et ordonner la liquidation judiciaire.
Une procédure de redressement judiciaire est ouverte en cas de cessation des paiements : est en état de cessation des paiements celui qui est dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible (notion comptable). Le débiteur doit déposer son bilan dans les quinze jours de l’état de cessation des paiements. Le tribunal ou les créanciers peuvent aussi être à l’origine de l’ouverture de la procédure. Le jugement prononçant le redressement est publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc). Un administrateur judiciaire et un représentant des créanciers sont nommés par le tribunal : le premier établit le bilan économique et social et étudie les offres des repreneurs ; le second recense les créances exigibles au jour du jugement et les fixe définitivement.
Le tribunal peut, à certaines conditions, annuler les opérations suspectes qui auraient été réalisées avant le déclenchement de la procédure et qui porteraient préjudice aux créanciers de l’entreprise. Pour faciliter le redressement, les créances antérieures sont gelées, et les poursuites sont suspendues, alors que les créances nées après l’ouverture de la procédure font l’objet d’un traitement préférentiel, leurs titulaires concourant au redressement de l’entreprise. Pendant cette phase d’observation, l’activité continue, mais l’administrateur, qui a consulté les créanciers et les représentants des salariés, prépare un projet de plan qui peut prôner la cession totale ou partielle de l’activité, ou la continuation assortie d’un réaménagement de la dette. Le cas échéant, le tribunal homologue le plan, son exécution étant contrôlée par un juge-commissaire.
4. La liquidation judiciaire
La procédure de liquidation judiciaire est organisée lorsque le redressement est manifestement impossible ou lorsqu’il l’est devenu par inexécution du plan de sauvegarde ou de redressement.
Le jugement ouvrant la liquidation judiciaire désigne le juge-commissaire et le liquidateur. Ce dernier est souvent le représentant des créanciers dans la procédure de redressement, lorsqu’elle a été mise en place.
En principe l’activité cesse, mais le tribunal peut autoriser son maintien si la cession totale ou partielle de l’entreprise est envisageable, ou si l’intérêt public ou celui des créanciers l’exige. Toutes les créances deviennent exigibles. Le liquidateur est alors chargé de réaliser au mieux les actifs de l’entreprise pour désintéresser les créanciers en fonction de leurs privilèges et rangs. Les ventes amiables peuvent être autorisées par le juge.
A tout moment de la procédure, le tribunal peut prononcer la clôture de la liquidation, soit qu’il n’existe plus de passif exigible (clôture par extinction du passif), soit que la poursuite des opérations de liquidation judiciaire soit rendue impossible (clôture pour insuffisance d’actif).
En cas d’insuffisance d’actif, le tribunal peut condamner les dirigeants ayant commis une faute de gestion à combler le passif de l’entreprise. Des sanctions de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer peuvent frapper ces dirigeants. Ces derniers peuvent même faire l’objet de poursuites pénales pour banqueroute (par exemple pour avoir dissimulé tout ou partie de l’actif du débiteur).