La constitution
L’extension du bloc de constitutionnalité : le préambule de la constitution de 1958
Par sa célèbre décision du 16 juillet 1971 relative à la liberté d’association , le Conseil constitutionnel, étendant sa compétence bien au-delà de ce qu’avaient voulu les auteurs de la Constitution, a intégré au bloc de constitutionnalité, par rapport auquel il apprécie la conformité des lois, le Préambule de la Constitution de 1958 et, par une cascade de renvois, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, le Préambule de la Constitution de 1946, ainsi que les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République , catégorie des plus incertaines et propres à favoriser de singulières décisions . D’où une transformation qualitative de la nature du contrôle du Conseil constitutionnel. Les normes de référence incluant désormais toute une série de règles et de principes intéressant les droits et libertés, leur influence est de nature à se manifester dans de nombreux domaines. A telle enseigne qu’on a pu dire que le Conseil a fait pénétrer le droit constitutionnel dans les diverses branches du droit.
Ainsi, spécialement dans le domaine des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, le domaine du contrôle de constitutionnalité s’est révélé très étendu, ainsi que cela apparaît à travers maintes décisions du Conseil constitutionnel : principe des droits de la défense, principe de la liberté de l’enseignement, principe de l’indépendance de la juridiction administrative, principe de l’indépendance des professeurs d’Université, principe de sauvegarde de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation.
Cette imprégnation de l’ordre juridique par cet ensemble de règles et de principes de portée constitutionnelle ou « normes de constitutionnalité » s’est manifestée profondément, en droit pénal , en droit du travail , plus généralement en des domaines relevant de la mouvance a du droit privé , par exemple en procédure civile ou en droit commercial. Ainsi encore, les manifestations du contrôle ont été multiples en droit civil. Mais aucune n’a eu autant de retentissement que celle qui est résultée de l’examen des lois de nationalisation adoptées par le Parlement au début de l’année 1982 : le Conseil constitutionnel a affirmé, le 16 janvier 1982, la valeur constitutionnelle du droit de propriété et précisé les conditions suivant lesquelles la puissance publique pouvait procéder à des nationalisations . Ainsi a-t-il affirmé, en la circonstance, que les principes « énoncés par la Déclaration des droits de l’homme ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l’un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l’oppression qu’en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la puissance publique ».
La progressive extension du rôle du Conseil constitutionnel sur la voie du « gouvernement des juges » entraîne de plus en plus la controverse et l’inquiétude . Au sujet de la hiérarchie des normes, elle suscite des difficultés nouvelles, relatives à la conciliation entre principes constitutionnels.
La compréhension extensive et discutable de ses pouvoirs par le Conseil constitutionnel s’est traduite aussi par l’utilisation du concept d’« objectif à valeur constitutionnelle » dont le sens et la portée prêtent à discussion : compatibilité de principes à première vue contraires, nécessité de fonder l’acte législatif en vue de le rendre plus effectif Nouvelle avancée plus récente : l’usage audacieux de ses pouvoirs par le Conseil constitutionnel aboutissant à réécrire une loi au demeurant des plus défectueuses sur le pacte civil de solidarité (PACS) et parvenant de la sorte à dépouiller de ses pouvoirs non seulement le Parlement, le Gouvernement, mais l’Autorité judiciaire.
Autorité des décisions du Conseil constitutionnel
Il n’est pas exclu qu’une loi contraire à la Constitution n’ait pas été déférée au contrôle du Conseil constitutionnel et qu’elle ait donc été promulguée. En l’état actuel du droit français, les tribunaux ne se reconnaissent pas le droit de contrôler la conformité de la loi à la Constitution. Telle a été la position adoptée notamment par le Conseil d’Etat.
Lorsque le Conseil constitutionnel s’est prononcé, ses décisions « ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles »(Const. art. 62, al. 2). Bien que le Conseil constitutionnel soit
dépourvu de moyens pour veiller à l’application de cette règle, ses dérisions sont respectées de manière très générale. Ainsi a-t-on pu obseïver des revirements de la Cour de cassation ou du Conseil d’Etat destinés à assurer la conformité de leurs positions à celle du Conseil constitutionnel.
Si le Conseil constitutionnel a déclaré une disposition conforme à ta Constitution, et que la loi la contenant a été promulguée, le texte est inattaquable. A l’inverse, «une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application» (Const. art. 62, al. 1er) . Et il en va de même des autres dispositions de la loi qui en sont « inséparables ». Le Conseil constitutionnel s’est même reconnu le pouvoir de ne reconnaître la conformité d’une disposition à la Constitution que sous réserve que telle ou telle interprétation lui soit ensuite donnée, lors de sa mise en application, ce qui manifeste une emprise accrue sur le pouvoir exécutif.