Le choix fondamental : idéalisme ou positivisme
De toute la riche histoire des idées sur le fondement et les finalités du droit, se dégage l’existence d’un choix assez fondamental entre deux courants, idéaliste et positiviste, comportant maintes variantes.
1) Les idéalismes. En suivant ce courant, l’on estime qu’au-dessus de l’ensemble des règles qui constituent le « droit positif », il existe un idéal de justice qui appartient aussi au domaine du droit et offre aux hommes une sorte de recours lorsque les règles du droit positif sont injustes, au sens large de ce mot.
Ce sont surtout les doctrines du droit naturel qui ont illustré cette tendance et influencé, au début du siècle dernier, les rédacteurs du code civil. Héritée de l’Antiquité, l’idée qu’il existait un droit naturel, composé de règles universelles et immuables et que l’homme pouvait découvrir à l’aide de sa seule raison avait été progressivement laïcisée, spécialement sous l’influence de la philosophie des Lumières. De cette évolution, deux conséquences avaient été déduites : a) que, le droit naturel ayant sa source dans l’homme, celui ci tire de sa nature des droits immuables et inaliénables; b) que le droit naturel a pour but la protection de ces droits imprescriptibles, qui sont, aux termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression .
Sous l’effet du temps et l’influence des doctrines positivistes, cette conception du droit naturel a décliné. Son fondement fut contesté, en des termes que Montesquieu aurait souvent approuvés : à la diversité des hommes et des groupements humains dans le temps et dans l’espace, ne correspond pas une notion aussi universelle du juste. Quant au contenu du droit naturel, on fit valoir qu’il était trop dense et trop immuable, contrairement aux leçons de l’histoire et de la géographie.
Ces critiques ont incité des jusnaturalistes à conserver la notion de droit naturel, mais en la limitant à des principes et en admettant que l’idéal ainsi exprimé pouvait varier selon les époques et les régions, de sorte que le droit naturel serait un idéal contingent ou encore un droit naturel « à contenu variable ».
Sous des formes diverses, cette attitude a persisté. L’existence de principes essentiels et d’ailleurs assez stables a pu la conforter : respect dû à la parole donnée, réparation des dommages injustement causés à autrui.
Et puis, la pénétration dans la sphère du droit, au niveau du droit naturel, d’un certain nombre de règles supérieures a permis de mieux dégager les lignes de force de l’amélioration de beaucoup de systèmes juridiques et de mieux fonder des solutions s’imposant à la conscience humaine, bien qu’elles ne trouvent pas de support dans les lois positives.
2) Les positivismes. Ils sont, ainsi qu’on l’a vu précédemment, aussi divers que les idéalismes : tous reposent sur l’idée qu’il n’y a pas de droit autre que celui qui résulte de la réalité positive.
A partir de cette idée, les diverses écoles s’ordonnent autour de ce qu’il convient d’entendre par « réalité positive ». Si l’on adopte, au sujet de celle-ci, une acception large, en la dégageant de la masse des faits sociaux, on s’engage dans la direction du positivisme sociologique et l’on se trouve confronté à une question essentielle : qu’est-ce qui fait que tel comportement est érigé en règle de droit, comment s’opère le passage du fait à la règle, c’est-à-dire au droit positif ? Si l’on retient une définition étroite de la réalité positive en réduisant celle-ci aux seules règles de droit consacrées, l’on préfère la voie du positivisme juridique, ce qui peut conduire à ne fonder le droit que sur la force ou sur l’Etat. Mais cette analyse, en quelque sorte desséchante, laisse place à d’autres recours et à d’autres guides, spécialement à la morale, destinés à orienter le droit positif et à définir ses finalités, tout en lui restant extérieurs. En réalité, on a fortement démontré que le positi-visme juridique peut revêtir deux formes différentes, voire contraires et même antagonistes suivant qu’on s’attache à une considération for-melle, qui trouve son expression la plus accusée dans le normativisme, ou à une considération volontariste issue assez largement de la pensée de Hobbes et qui, notamment, n’a pas été étrangère à la Révolution française et relève de ce que Cari Schmitt appelle le decisionnisme.
Vidéo : Le choix fondamental : idéalisme ou positivisme
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Le choix fondamental : idéalisme ou positivisme