Le droit fiscal : Les finances publiques les notions fondamentales
Les finances publiques
Les finances publiques ne peuvent être abordées qu’après avoir présenté un certain nombre de notions fondamentales . Dans un second temps, nous pourrons exposer les systèmes financiers contemporains, qu’il s’agisse des finances de l’État, des finances locales, des finances sociales ou des finances européennes et internationales .
Les notions fondamentales
Il conviendra de présenter successivement la notion de finances publiques ,puis les principes qui régissent cette matière .
1. La notion de finances publiques
Autrement dit, comme l’indiquent d’ailleurs les programmes universitaires et les programmes des concours administratifs, les finances publiques conduisent à s’intéresser au financement des administrations publiques et des organismes publics ou privés qui leur sont rattachés.
Les finances publiques sont souvent définies comme une discipline cane- four, c’est-à-dire comme une discipline faisant appel à toutes les branches du droit public. Il est même possible d’affirmer qu’il s’agit d’une matière pluridisciplinaire, qui combine à la fois des aspects juridiques et des aspects issus de disciplines non juridiques.
Sans doute l’ approche juridique est-elle fondamentale. Le droit des finances publiques est en effet l’une des quatre branches du droit public (avec le droit constitutionnel, le droit administratif et le droit international public), dont l’objet principal réside dans l’encadrement juridique des opérations financières venant à l’appui des actions publiques, elles- mêmes régies par le droit constitutionnel et le droit administratif. En d’autres termes, parce qu’elle est régie par le droit, l’action financière de l’Etat est soumise à des formes et est encadrée par des procédures. Comme toute action publique, elle est mise en œuvre par le gouver-nement et l’Administration dans le respect des lois de finances.
Le droit privé n’est pas pour autant étranger aux finances publiques, dans la mesure où une partie des acteurs des finances publiques sont des organismes de droit privé (entreprises publiques, sociétés d’économie mixte, caisses de Sécurité sociale, etc.).
L’étude des finances publiques suppose également que l’on procède à une approche politique. L’un des principaux théoriciens des finances publiques, le professeur Gaston Jèze, écrivait en 1922 que « le budget est essentiellement un acte politique ».
Cette formule est exacte à plus d’un titre, dès lors que le budget constitue la traduction financière d’une vision politique. La maîtrise du budget est un enjeu de pouvoir, et il est fréquent que les changements de majorité s’accompagnent d’un changement de programme politique, dont le premier acte est une décision financière : le collectif budgétaire. La détermination des choix financiers est ainsi au cœur de la problématique du pouvoir, et la maîtrise ou le partage du pouvoir financier entre les institutions est un enjeu politique majeur. Il suffit de rappeler que les Parlements, notamment en Grande-Bretagne et en France, ont conquis leur statut politique à travers la revendication et l’affirmation de prérogatives financières.
L’étude des finances publiques met également en exergue des enjeux économiques. A l’heure actuelle, les dépenses publiques représentent en France près de 55 % du PIB, dont l’impact macroéconomique est essentiel.
Les Etats contemporains entendent piloter leur économie au moyen d’une politique budgétaire, qui peut consister à accroître ou réduire les déficits publics, augmenter ou restreindre les dépenses publiques, amplifier ou diminuer le poids des prélèvements obligatoires. Les effets de la fiscalité et de la dépense publique sur le comportement des agents économiques ne doivent ainsi pas être perdus de vue.
L’approche financière et comptable est également importante. Comme tout organisme qui encaisse et qui décaisse de l’argent, les administrations publiques tiennent une comptabilité. Leurs agents comptables enregistrent toutes les entrées et les sorties d’argent dans des documents comptables qui permettent de retracer l’exécution des dépenses et des recettes publiques. Les gestionnaires publics ont ainsi des missions et des objectifs comparables à ceux de leurs homologues du secteur privé : ils doivent ajuster des dépenses et des recettes, surveiller les déficits et l’ endettement, planifier leur gestion sur plusieurs années, ou encore présenter leurs
comptes suivant des normes de plus en plus précises, qui tendent d’ailleurs à se rapprocher de celles qui sont en vigueur dans le secteur privé. Le contrôle de gestion et la recherche de la performance font de plus en plus partie de leurs préoccupations.
L’approche historique, enfin, ne doit pas être négligée. L’histoire constitutionnelle française ou étrangère est riche d’événements ayant pour origine des questions financières. La Révolution française, l’indépendance américaine, ou le Bill of Right sont des exemples parmi beaucoup d’autres.
2. Les principes financiers fondamentaux
Le cœur du droit budgétaire et comptable est la loi de finances, adoptée par le Parlement, exécutée par le gouvernement, et contrôlée, entre autres, par les juridictions financières. Ainsi, et le raisonnement est transposable aux administrations publiques autres que l’État (collectivités locales, organismes sociaux, institutions internationales et européennes), l’étude des finances publiques consiste toujours à répondre aux trois questions suivantes :
1. Comment la loi de finances est-elle préparée et adoptée ?
2. Comment la loi de finances est-elle exécutée ?
3. Comment l’exécution de la loi de finances est-elle contrôlée ?
La notion de loi de finances apparaît ainsi comme une notion fonda¬mentale, qui doit être distinguée de la notion voisine de budget.
Le mot budget est un des rares mots à avoir traversé deux fois la Manche. Au Moyen Age, la « bougette » désignait, en France, la bourse qui pendait à la ceinture. Ce terme a été repris par les Anglais qui l’ont transformé en « budget », ensuite récupéré par les Français.
L’État comme les autres administrations publiques ont recours à la même logique. Leur budget est constitué par l’ensemble des prévisions de recettes et de dépenses pour l’année à venir. On peut ainsi dire que le budget de l’Etat regroupe, pour une année, d’un côté l’ensemble de ses recettes, et de l’autre l’ensemble des dépenses publiques. Lorsque les recettes ne suffisent pas à couvrir les dépenses, l’Etat fait face à un déficit budgétaire (qu’il doit financer par ïemprunt). Dans le cas contraire, on parle d’excédent budgétaire, et l’Etat se trouve dans une situation où il peut d’abord rembourser ses emprunts, puis prêter de l’argent à des tiers.
Il convient toutefois de remarquer que le budget de l’État n’a pas d’existence juridique en tant que tel. Il n’y a aucun document officiel que l’on puisse appeler budget, les seuls documents que l’on rencontre étant ceux que l’on appelle les lois de finances. Ce sont des lois bien particulières, qui sont régies par les articles 34 et 47 de la Constitution, ainsi que par la loi organique relative aux lois de finances du 1″ août 2001 (LOLF), qui a été prise en application des dispositions constitutionnelles précitées.
Les lois de finances peuvent être définies comme les actes juridiques, en principe annuels, par lesquels le Parlement autorise le gouverne¬ment à lever les impôts et à exécuter les dépenses de l’Etat.
Il s’agit donc d’un acte de prévision de ce que sera le budget, et d’un acte d’autorisations accordées au gouvernement qui devra mettre en œuvre le budget. Ces prévisions et ces autorisations revêtent quelques particularités.
Ainsi, le montant des dépenses est évaluatif, puisqu’il correspond seule¬ment à des plafonds qui ne peuvent être dépassés. En ce sens, le budget de l’Etat est donc un acte d’autorisation de la dépense publique.
Domaine par domaine, secteur par secteur, le Parlement indique au gouvernement le montant maximal de crédits qu’il pourra dépenser. Le gouvernement n’est naturellement pas tenu de dépenser la totalité des crédits, et il peut dépenser une somme inférieure à celle qui corres-pond à l’autorisation parlementaire. En revanche, il ne saurait dépenser une somme supérieure. Pour l’essentiel, les dépenses publiques se répartissent en dépenses de fonctionnement, en dépenses d’investissement et en redistributions.
La composante du budget relative aux recettes reste quant à elle purement prévisionnelle. L’essentiel des recettes des administrations publiques est composé des impôts, du surplus provenant des revenus de leurs activités industrielles et commerciales, des revenus liés à l’exploitation de leur domaine, des revenus tirés de leurs participations financières dans des entreprises, des rémunérations pour services rendus, ou encore du produit des amendes. En début d’exercice, il est naturellement impossible de prévoir ces recettes avec précision : il est seulement possible de les évaluer.
Comme on l’a indiqué, la budgétisation suppose, dans un premier temps, la prévision, puis, dans un deuxième temps, l’ exécution, avant de procéder, dans un troisième temps, à des contrôles de cette exécution. Pour ce faire, on a alors recours à des principes budgétaires. Qu’il s’agisse des finances de l’État, des finances des collectivités locales, des finances sociales ou des finances européennes, les finances publiques sont donc toujours régies par quatre principes : le principe d’annualité, le principe d’unité, le principe d’universalité et le principe de spécialité. D’autres principes (principe d’équilibre et principe de sincérité) leur sont parfois adjoints.
La règle de l’ annualité se présente sous un double aspect : elle signifie d’une part que l’assemblée délibérative (le Parlement ou un conseil local élu) doit adopter des autorisations budgétaires de dépenses et de recettes une fois par an, et d’autre part que ces autorisations accordées à l’exécutif ne sont valables qu’un an. Autrement dit, l’annualité concerne tant la décision que son exécution. Pour la plupart des administrations publiques, le cadre de l’annualité est alors l’année civile.
Le deuxième principe est le principe d’unité budgétaire, qui dispose que l’ensemble des dépenses et des recettes doit figurer dans un document unique. Ces dépenses et ces recettes doivent de surcroît être présentées de façon détaillée, et être de même nature pour que l’on puisse les additionner. Comme l’indiquait Léon Say, « il est nécessaire d’enfermer le budget dans un monument dont on puisse aisément apprécier l’ordonnance et saisir d’un coup d’œil les grandes lignes ».
Le principe d’universalité est plus subtil. Il implique en réalité deux exi¬gences distinctes, bien que voisines l’une de l’autre. Il suppose, tout d’abord, que soient inscrites dans le budget toutes les dépenses et les recettes de l’Etat, sans qu’il puisse y avoir de contraction entre les unes et les autres.
C’est le principe de non-compensation, qui a pour fonction de permettre à l’assemblée délibérante de prendre connaissance de façon détaillée de toutes les opérations financières prévues par le budget.
Et il commande ensuite qu’à l’intérieur du budget, les recettes et les dépenses forment deux masses autonomes, isolées l’une de l’autre, sans que soit établie à l’avance une corrélation entre certaines dépenses et certaines recettes : c’est le principe de non-affectation.
Enfin, les budgets des administrations publiques sont soumis au principe de spécialité. Ce principe conduit à ce que l’autorisation que l’assemblée délibérante accorde au pouvoir exécutif et à l’Administration soit le plus détaillée possible, afin que chaque crédit ait une destination prédéfinie. Aucune autorisation de dépense globale n’est ainsi accordée à l’exécutif et à l’Administration, faute de quoi il faudrait considérer que l’assemblée délibérante renonce à son pouvoir de décision.
Naturellement, ces principes connaissent des exceptions. De même, dans certaines hypothèses, des principes supplémentaires leur sont parfois adjoints.
Il est par exemple possible de citer le principe d’équilibre, applicable aux collectivités locales, et, dans une certaine mesure, à l’Union européenne, ou le principe de sincérité, applicable aux opérations financières de l’État depuis le début des années 2000.
De ce fait, le principe d’équilibre conduit à interdire ou à limiter les déficits publics. Pour sa part, le principe de sincérité commande que les éva-luations portées au budget soient réalistes, et que la présentation des opérations budgétaires effectuées permette aux assemblées délibérantes d’en apprécier la réalité.