Les solutions jurisprudentielles
En dépit de ces objections, la jurisprudence a reconnu aux juridictions le pouvoir d’écarter l’application des lois contraires à des traités ou à des accords antérieurement conclus ou approuvés. Cette position a été adoptée successivement pai la Cour de cassation et par le Conseil d’Etat.
Par un célèbre arrêt de Chambre mixte rendu le 24 mai 1975, dans l’affaire Administration des Douanes contre Société Café Jacques Vabre, l.i Cour de cassation a décidé de faire prévaloir le traité de Rome sur une loi postérieure contraire .La Cour de cassation a décidé, en l’espèce, «que le traité du 25 mars 1957, qui, en vertu de l’article 55 de la Constitution, a une autorité supérieure à celle des lois, institue un ordre juridique propre, intégré à celui des Etats membres; qu’en raison de cette spécificité, l’ordre juridique qu’il a créé est directement appli cable aux ressortissants de ces Etats et s’impose à leurs juridictions ». On reviendra sur la portée de cette insertion de l’ ordre juridique communautaire. Contentons-nous ici d’observer qu’en dépit de formules plus ou moins lénitives utilisées à l’époque l’arrêt Café Jacques Vabre, relatif à un conflit entre une loi interne l’article 265 du code des douanes et un traité, en faisant prévaloir, par application de l’article 55 de la Constitution, le traité sur une loi postérieure, opérait fût-ce de manière indirecte ou médiate un contrôle de constitutionnalité.
Pendant assez longtemps, le Conseil d’Etat adopta la solution contraire. Mais, par un célèbre arrêt Nicolo, rendu le 20 octobre 1989, il a opéré un revirement spectaculaire, surtout si l’on rapproche les termes de l’arrêt des conclusions du commissaire du gouverne¬ment : pour se prononcer sur les dispositions de l’article 4 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants à l’Assemblée des Communautés européennes, le Conseil d’Etat a examiné, ainsi que cela lui était demandé, dans quelle mesure ces dispositions étaient informes au traité de Rome, en date du 25 mars 1957, instituant la comunauté économique européenne. Et il a considéré, pour rejeter la requête, « qu’aux termes de l’article 227-1 du traité en date du mars 1957 le présent traité s’applique… à la République fran¬cise; que les règles ci-dessus rappelées, définies par la loi du 7 juillet IV77, ne sont pas incompatibles avec les stipulations claires de l’article 227-1 précité du traité de Rome». Implicitement, il en trsulte que, si elles avaient été contraires à cet article 227-1, le Conseil en aurait écarté l’application. Et c’est bien ainsi que sa décision a été accueillie.
La primauté reconnue au traité ou à l’accord international sur la loi Interne n’a d’ailleurs pas été affirmée seulement au sujet des lois postérlcures à ces engagements internationaux. Elle a aussi été rappelée au Mijct de lois antérieures à ceux-ci, ce qui accentue la portée du principe.
Compte tenu de la manière suivant laquelle la Cour de cassation et le Conseil d’Etat exercent leurs pouvoirs, on ne peut manquer de s’interroger sur le fait que le traité ou l’accord international est mieux protégé par le juge judiciaire ou administratif que par le Conseil i (institutionnel contre les atteintes qui pourraient leur être portées par la loi, et cela néanmoins en vertu de l’article 55 de la Constitution. C ‘est précisément ce qui pouvait donner à penser opinion il est vrai hétérodoxe qu’en l’absence même de toute réforme constitution¬nelle (supra, n° 98), l’exception d’inconstitutionnalité pourrait être .idmise un jour ou l’autre par les tribunaux. De toute façon, en l’état de la jurisprudence, il n’appartient pas aux tribunaux, en se fondant par l’article 55 de la Constitution, de retenir une absence de réciprocité pour mettre obstacle à l’application d’un traité ou d’un accord International.
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