Les sources du droit : L'inflation législative et la clarification du droit
La première tient au contexte actuel d’inflation législative que chacun peut constater. Malgré de grandes différences entre plusieurs chiffrages, on retient généralement qu’il y aurait environ 8 500 lois applicables en France aujourd’hui. Le fait de contrevenir à une règle pour cause d’ignorance et en toute bonne foi risque d’augmenter aussi rapidement que le nombre des textes.
Et paradoxalement, alors que les textes sont plus nombreux, le sentiment d’insécurité juridique croît.
Tout se passe comme si la fonction protectrice du droit venait à être annulée :
- ou du moins à être gravement altérée – par l’excès de production juridique. En outre, les citoyens ont le sentiment de ne pas pouvoir accéder facilement au droit, à la règle de droit. Et lorsqu’ils sont confrontés à une question juridique délicate, ils ont peu de chance de trouver une réponse exacte sans le concours d’un spécialiste (conseil, avocat…) qui facturera – tout travail méritant salaire sa prestation.
Les responsables politiques, conscients du désordre qui règne dans le système juridique, ont souhaité que le droit français fasse l’objet d’une très large codification, comme ce fut le cas partiellement au début du XIXe siècle avec l’adoption des grands codes napoléoniens. A cette fin, une Commission supérieure de codification, présidée par le Premier ministre, a été créée en septembre 1989. Chargée d’œuvrer « à la simplification et à la clarification du droit », elle s’efforce de mettre de l’ordre dans le système juridique tout en respectant la volonté de l’auteur de la loi, le législateur, c’est-à-dire l’Assemblée nationale et le
Sénat. La représentation nationale est donc délestée de sa mission de mise en ordre du droit au profit d’une instance composée principalement de juristes professionnels et d’administrateurs qui ne sont pas les élus des citoyens.
Le Conseil constitutionnel est une autre instance qui a pris conscience du fait que même si nul n’est censé ignorer la loi, il n’est pas nécessai¬rement aisé d’y avoir accès. Cet organe composé de neuf membres nommés par les plus hautes autorités politiques du pays est chargé de vérifier , lorsque des personnalités politiques le saisissent :
- la conformité des lois votées à la Constitution. A cette fin, il confronte le texte des lois votées (mais pas encore promulguées) à la Constitution et à des principes de valeur constitutionnelle. Parmi ces principes, celui de « clarté de la loi » permet au Conseil constitutionnel de censurer son auteur lorsqu’il emploie des formules absconses ou sujettes à interpré¬tations contradictoires.
Le Conseil constitutionnel presse également les assemblées de poursuivre certains objectifs de valeur constitutionnelle lorsqu’elles légifèrent.
L’un d’eux est l’objectif d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi. C’est notamment pour répondre à cette attente qu’a été créé le site internet Légifrance, qui permet de disposer gratuitement d’une très grande partie du droit français actuellement en vigueur. La représentationnationale légifère donc sous le regard vigilant de cet organe qui veille à ce qu’elle prenne son office au sérieux en produisant une loi de qualité. L’ancien président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, Pierre Mazeaud, devenu président du Conseil constitutionnel, s’est montré particulièrement hardi lorsqu’il a dénoncé les « lois d’affichage dont on mesure après coup les conséquences décevantes ou inoppor¬tunes » (vœux du président du Conseil constitutionnel au président de la République à l’Elysée le 3 janvier 2006). Cette remarque aboutit à constater une certaine dévalorisation de la loi, qui n’a plus la majesté qu’elle avait ne serait-ce qu’aux débuts de la Ve République. Mais à mesure que la loi – sous-entendu l’instrument du pouvoir politique , est dévalorisée, le droit
- sous entendu l’instrument de l’autorité judiciaire -jouit d’un grand prestige. Le droit incarné par la jurisdictio (le fait de dire le droit) d’un juge indépendant, impartial, sage et savant.