Droit et morale: le droit et la morale
Plan
Entre la morale et le droit les relations sont plus nettes qu’avec la religion : de très nombreuses règles de droit sont en effet empruntées à la morale, ce qui peut porter à considérer que le droit n’est pas autre chose que la morale relayée et sanctionnée par le groupe social; les relations étant réciproques, l’on peut aussi estimer qu’en influençant les mœurs, le droit peut rejaillir sur la morale ; il y a d’ailleurs une morale civique.
L’analyse des relations entre le droit et la morale est fondamentale à un double titre : a) parce qu’elle peut contribuer à la recherche des critères du juridique; b) parce que, ce faisant, elle permet de mettre en relief l’émergence de l’obligatoire de caractère juridique dans la vie en société.
La distinction du droit et de la morale
Pour classique qu’elle soit, elle est caractérisée par la diversité des critères et des opinions.
1) N’excluant pas leur cumul, la diversité des critères implique cependant un contrôle de leur pertinence.
a) Les sources du droit et de la morale sont différentes. Les préceptes de la morale résultent de la révélation divine, de la conscience (indivi¬duelle ou collective), voire des données de la science, tandis que les règles de droit — disons du droit appliqué dans un pays donné, à un moment donné — sont issues de la volonté de certaines autorités. A vrai dire, il est fréquent que celles-ci s’inspirent des règles de la morale, de sorte que la divinité, la conscience ou la science peuvent apparaître comme des sources médiates du droit. Mais l’on répond que celui-ci n’en serait pas moins formé et formulé d’une manière qui lui est propre. A la réflexion, il ne faut peut-être pas exagérer la différence, car il existe des règles de droit implicites, informelles ou informulées.
b) Les contenus de la morale et du droit sont différents à un double titre. D’abord, en raison de l’objet de la règle : les domaines de l’une et de l’autre ne se recouvrent pas. La morale se préoccupe des devoirs de l’homme non seulement à l’égard des autres hommes, mais aussi à l’égard de lui-même, voire de la divinité : en ce sens, son domaine est plus vaste que celui du droit. Mais, inversement, le droit formule des règles moralement neutres, voire de nature à consolider des situations immorales (le voleur devenant propriétaire après trente ans de posses¬sion) : en ce sens, son domaine déborde celui de la morale. N’exagé¬rons pourtant pas l’opposition : selon les milieux et les époques, tel comportement est appréhendé par le droit ou laissé par celui-ci dans le seul domaine de la morale.
Ensuite, en raison de l’objectif de la règle. On dit que la morale est plus exigeante, qu’elle tend à la perfection et qu’elle impose des devoirs de charité rebelles aux techniques du droit jugées en quelque sorte trop rudimentaires. Le droit serait conçu pour la masse, le ple- rumque fit; pour assurer l’ordre et la paix, il n’aurait pas à rechercher la perfection Là aussi, on doit nuancer le propos : le droit n’ignore pas le gratuit et le charitable, il lui arrive de les encourager ou, à l’inverse, de s’en méfier; il affine et accentue, le cas échéant, ses exi¬gences d’ordre éthique; et, même lorsqu’il appréhende – parfois plus que par le passé (ex. : salariés, consommateurs,…) – les phénomènes de masse, la morale peut y trouver un meilleur compte.
c) Les sanctions de la morale et du droit sont différentes. Tandis que les violations de la morale seraient sanctionnées au niveau interne, celui de la conscience, les sanctions des violations du droit auraient une ori¬gine externe et se relieraient à l’autorité contraignante des pouvoirs publics. Encore convient-il d’observer qu’il y a une influence des sanc¬tions externes sur les sanctions internes et qu’entre les unes et les autres, il existe maintes catégories intermédiaires, par exemple les sanctions liées à la réprobation, même muette, émanant des tiers.
2) Les incertitudes précédemment évoquées contribuent à expli¬quer la diversité des opinions. Tandis que certains auteurs atténuent la distinction de la morale et du droit et en viennent à soutenir soit que le droit est une morale, soit qu’il est constamment irrigué par la morale2, d’autres prétendent qu’il conviendrait d’établir entre eux une séparation rigoureuse 3. 11 est probablement plus exact de penser que la solution moyenne est préférable. Et, s’il en est ainsi, c’est dans une large mesure parce que, dans la vie en société, les règles de conduite, telles que le droit les exprime et les sanctionne, n’ont pas seulement pour fin d’assurer la justice, mais aussi de satisfaire d’autres besoins, tels que celui de la sécurité.