Droit international privé
Dans un monde où les échanges se multiplient, où les personnes comme les marchandises vont et viennent à travers les frontières, de plus en plus de relations privées se développent dans un contexte international : une jeune femme française épouse un Suisse ; deux
Français sont victimes d’un accident de la circulation en Espagne ; une entreprise allemande passe un contrat avec un fournisseur chinois ; un Marocain vivant en Belgique depuis dix ans décède en laissant des biens situés en Belgique et au Maroc ; une société américaine embauche un salarié pour un travail à exécuter en France…
Toutes ces situations entretiennent des liens avec plusieurs systèmes juridiques : français, suisse, espagnol, chinois, etc. Pour articuler entre eux ces différents systèmes et assurer un traitement approprié des relations privées internationales, chaque Etat dispose de règles particulières dont l’ensemble constitue ce qu’il est convenu d’appeler le droit international privé.
Soit par exemple un Français marié à une Allemande ; les deux époux se séparent, la femme repart en Allemagne avec les enfants ; le mari souhaite divorcer. Une première question se pose : le juge français est- il compétent ? Pour le savoir, il conviendra de consulter les règles françaises qui gouvernent la compétence des juridictions françaises dans les litiges internationaux. Et si le juge français se reconnaît compétent, quelle loi doit-il appliquer au prononcé du divorce, à l’autorité parentale, au règlement des conséquences patrimoniales de la rupture, aux obligations alimentaires, etc. : loi française (loi du juge, loi de la dernière résidence de la famille, loi nationale d’un des époux) ou loi allemande (loi du pays de résidence habituelle d’un des époux et, surtout, des enfants) ?
Se pose un nouveau problème de compétence : problème de compétence législative, que le juge français résoudra en utilisant ses règles dites de conflits de lois. Une fois le divorce prononcé se posera le problème des effets du jugement français en Allemagne : les époux seront-ils considérés comme divorcés ? Les dispositions concernant l’autorité parentale ou les pensions alimentaires seront-elles reconnues, et éventuellement exécutoires, de l’autre côté du Rhin ? Les mêmes questions se poseraient, en sens inverse, si le mari ou la femme saisissaient le juge allemand : la décision allemande serait-elle reconnue en France ? Pourrait-elle faire l’objet d’une exécution forcée ?
Les problèmes liés à la loi applicable constituent ce que l’on appelle tra-ditionnellement la question des conflits de lois. Les problèmes liés à la compétence des juridictions (et plus largement des autorités) nationales dans les litiges internationaux et l’effet des décisions étrangères relèvent de ce qu’il est convenu d’appeler les conflits de juridictions.
Ces deux séries de problèmes sont souvent liées à des questions relatives à la nationalité et au statut des étrangers, ce qui explique que dans la conception française, le droit international privé englobe ces deux matières.
Chaque pays dispose de son système de droit international privé. Longtemps, les règles en ont été essentiellement d’origine nationale. La part de la loi, de la jurisprudence et de la coutume diffère selon chaque système : alors que de nombreux pays ont codifié leur droit (cf. récemment la Belgique), le droit international privé français reste largement un droit jurisprudentiel : c’est d’ailleurs une des originalités et, en un sens, une des difficultés de la matière. Mais les sources internationales prennent une place de plus en plus importante : grands principes du droit international, coutume internationale et, surtout, conventions internationales (voir notamment les Conventions élaborées dans le cadre de la Conférence de droit international privé de La Haye).
Dans l’espace européen, se développe depuis quelques années un droit international privé de source communautaire, par la voie notamment de règlements qui devraient permettre d’unifier, à terme, les règles de conflits de lois et de conflits de juridictions des différents Etats membres.
Compte tenu de leur caractère spécifique, ne seront abordées ici que les questions relatives aux conflits de lois et aux conflits de juridictions.
Dans la plupart des cas, la résolution des questions de droit international privé nécessite que l’on suive un raisonnement qui se décompose en quatre étapes :
1. La situation relève-t-elle du droit international privé ? Autrement dit, entretient-elle des liens avec plusieurs systèmes juridiques ?
2. A quelle catégorie juridique appartient la question de droit posée (problème de la qualification) ?
3. Le juge français (ou plus généralement les autorités françaises) ou tel ou tel juge étranger (ou plus généralement telle ou telle autorité étrangère) est-il compétent ?
4. Quelle est la loi applicable ?
Si au terme de ce raisonnement le juge français ou un juge étranger rend une décision, il restera à s’interroger sur la reconnaissance et, éventuellement, l’exécution de cette décision dans un autre pays.