Les typologies des droits fondamentaux: principe matriciel
Le système des droits et libertés fondamentaux est devenu de plus en us complexe au fur et à mesure du développement de la jurisprudence. En fait, il s’agit plus d’établir des typologies qu’une typologie.
Ces classifications, qui peuvent être multipliées, se croisent car l’on retrouve un même principe dans plusieurs grilles d’analyses.
Typologie tenant à la nature des droits et libertés : les droits consubstantiels
Les menaces que font peser sur l’homme de nouvelles sciences et de nouvelles technologies, relatives à la bioéthique, l’environnement et l’information, notamment, conduisent à rechercher la logique qui a inspiré les textes fondateurs de l’ordre juridique.
Ainsi, parmi les droits et libertés fondamentaux, trois principes tien¬nent, au sein du système juridique, une place particulière : le principe de dignité, le principe de liberté et le principe d’égalité. Ce sont des attributs de l’homme, liés à son appartenance à l’humanité.
Le principe de dignité humaine est une exigence dont la portée et la place ,au sein des droits fondamentaux font l’objet d’appréciations contrastées et parfois divergentes, non seulement selon les pays, mais aussi clans la doctrine et les droits jurisprudentiels nationaux.
Sans entrer dans un débat philosophique sur cette question, la dignité île l’homme exige que ce dernier ne soit pas traité comme un objet, un moyen, mais qu’il soit reconnu comme sujet. Par ailleurs, ce principe est inconditionné. Alors que certains droits peuvent être conditionnés par la nationalité, l’âge, le statut, etc., la dignité n’est conditionnée que par l’appartenance à l’espèce humaine.
Contrairement à la situation qui prévaut dans les pays anglo-saxons, en Europe continentale, le principe de dignité occupe une place prééminente au regard même du principe de liberté individuelle. Ainsi, en théorie, il peut être apporté des restrictions aux libertés individuelles .111 nom du respect du principe de dignité, alors que la situation inverse n’est pas admise.
La Charte de l’Union européenne consacre son premier chapitre à la dignité. Signe des temps, c’est le premier texte international à vocation générale à traiter des principes essentiels applicables en matière de bioéthique (droit à la vie et droit à l’intégrité de la personne humaine). C’est également sous l’énoncé de ce principe que sont inscrits et repris les principes de l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, et l’interdiction de l’esclavage ou du travail forcé.
Typologie tenant à l’articulation des droits et libertés fondamentaux : principes matriciels et principes dérivés
Sans que soit établie une véritable hiérarchie entre les droits fondamentaux, certains principes deviennent des principes majeurs, des principes matriciels en ce qu’ils engendrent d’autres droits de portée et de valeur différente.
En quelque sorte, le juge, notamment le juge constitutionnel français, opère une reconstruction du système des droits fondamentaux. Parmi les principes, il en détermine certains qui forment le soubassement du système des droits fondamentaux.
Dans un deuxième temps, il rattache à ces principes matriciels d’autres principes qui en sont le corollaire ou en développent la portée : les principes dérivés. Cette reconstruction de la logique propre aux textes qui reconnaissent ces droits permet au juge de disposer d’une marge de manœuvre assez large. En effet, non seulement le juge ordonne des droits expressément affirmés par un texte, mais il peut encore tirer d’un principe matriciel des principes dérivés qui ne sont pas littéralement inscrits dans le texte.
L’un des principes parmi les plus importants de l’ordre constitutionnel, celui de liberté, illustre de manière particulièrement topique cette construction.
Ainsi le principe de liberté implique la sûreté, ou le droit à ne pas être l’objet de mesures de police arbitraires, la liberté personnelle, qui vise à protéger l’individu contre l’ingérence des tiers et d’où découlent le droit à F intimité ou le respect de la vie privée.
La liberté individuelle, conçue comme un droit d’agir, engendre aussi bien la liberté d’aller et de venir que la liberté d’expression, la liberté d’association, la liberté île la recherchera liberté d’entreprendre… voire le droit de propriété entendu comme la liberté de posséder.