L'organisation d'une exposition : La conception d'une exposition
La personne qui imagine et conçoit une exposition est le commissaire d’exposition.
Sa mission consiste, à partir d’une idée de départ, à concevoir l’exposition et à déterminer les œuvres qui seront exposées.
Le commissaire peut être un salarié permanent d’une institution ou un commissaire indépendant.
Dans le premier cas il a le statut de fonctionnaire s’il s’agit d’un musée public et la réalisation d’exposition fait partie de la mission pour laquelle il perçoit un salaire. Si le musée est sous statut privé (fondation par exemple) il est un salarié de droit privé régi par le droit du travail et sa mission est là encore la contrepartie de son salaire.
Le commissaire indépendant est rémunéré en général par un forfait d’honoraires éventuellement complété par un pourcentage sur les entrées. Lorsque l’exposition circule il peut recevoir un complément d’honoraires. Le contrat de commissaire d’exposition doit préciser ces différentes situations. Rappelons que ce contrat n’est soumis à aucun formalisme particulier, que son contenu organisera en toute liberté la relation contractuelle : nature de la mission, délais d’exécution, montant de la rémunération, date et modalités de paiement, mode de règlement des éventuels incidents (médiation, arbitrage ou tribunal) et en cas d’opération internationale droit applicable au contrat.
Le statut de commissaire d’exposition amène deux questions auxquelles il convient d’apporter une réponse : le premier est lié au possible statut d’œuvre de l’exposition et le second aux catalogues d’exposition.
L ’exposition constitue-t-elle une œuvre ?
La conception d’une exposition est devenue de plus en plus élaborée et ne constitue pas un simple accrochage mécanique des œuvres. C’est une création a part entière qui exprime la personnalité du commissaire. Les deux conditions requises pour constituer une œuvre de l’esprit (créativité et originalité) au sens juridique semblent donc réunies.
La cour d’appel de Paris, le 2 octobre 1997, l’a expressément reconnu dans une affaire relative à une exposition intitulée Musée du cinéma Henri Langlois.
Henri Langlois avait conçu cette exposition, sélectionné les objets (affiches, décors, photographies, caméras, costumes) et projections, et imaginé leur présentation. Lors du déplacement de cette exposition ses héritiers avaient invoqué son statut d’œuvre pour s’opposer à une modification lors d’un changement de lieu.
La cour d’appel de Paris a répondu positivement en ces termes (contrairement aux juges de première instance) :
Dit que l’exposition dénommée Musée du cinéma Henri Langlois constitue une œuvre de I ’esprit bénéficiant de la protection légale.
Cette position de la jurisprudence est cohérente avec les évolutions récentes qui ont reconnu le statut de création protégée à des œuvres aussi diverses que les parties restaurées des jardins de Vaux-le-Vicomte, l’éclairage de la tour Eiffel ou un circuit de randonnée.
Le commissaire d’exposition serait donc en tant qu’auteur théoriquement titulaire sur son exposition des droits patrimoniaux et moraux.
Toutefois il convient de distinguer est pratique trois situations :
- le commissaire salarié d’une institution publique (fonctionnaire ou agent public) : l’administration détient les droits intellectuels d’une œuvre créée dans le cadre de sa mission (jurisprudence du Conseil d’État), donc de l’exposition ;
- le commissaire salarie d’une institution privée : les droits peuvent être transférés à l’employeur de façon explicite par contrat conformément au droit commun ;
- le commissaire indépendant : il est seul détenteur des droits intellectuels qu’il peut céder dans des conditions conformes aux contrats de cession de droits de propriété intellectuelle. Cela ne correspond toutefois pas à la pratique courante qui les rémunère par honoraires forfaitaires.
Enfin si plusieurs personnes ont collaboré de façon tellement étroite qu’il est impossible de dissocier les différentes prestations, le statut d’œuvre collective peut être invoqué. Dans ce cas, l’auteur sera celui sous le nom de qui l’œuvre est divulguée, éventuellement une personne morale (par exception au principe général). C’est ce que certains musées font en désignant le musée comme commissaire d’exposition.
Le catalogue d’exposition est-il une œuvre ?
Toutes les expositions importantes sont accompagnées par des catalogues d’exposition qui reproduisent les œuvres exposées accompagnées de commentaires et d’analyses. Ils sont souvent de véritables livres d’art qui continuent à se vendre après la fin de l’exposition.
Ces livres sont bien évidemment des œuvres littéraires souvent rédigées par le ou les commissaires d’exposition. Les commissaires indépendants signent un contrat d’édition et perçoivent, comme tout auteur d’un ouvrage, un pourcentage du prix de vente des ouvrages en rémunération de leurs droits patrimoniaux cédés à l’éditeur. Ils conservent leurs droits moraux.
La situation des commissaires salariés est plus complexe : la rédaction d’un catalogue fait-elle partie de leur mission ou peuvent-ils percevoir personnellement des droits d’auteur sur la vente des catalogues ?
Leur situation peut être comparée à celle des enseignants salariés : la jurisprudence considère que leur mission est de délivrer un cours oral, de concevoir les documents pédagogiques mais que la rédaction d’ouvrages n’en fait pas partie. Ils peuvent donc percevoir des droits d’auteurs sur les livres et manuels qu’ils écrivent.
Il est cependant rare que le catalogue d’exposition soit rédigé par une seule personne. C’est en général le travail de toute une équipe sous la direction d’une personne. Le statut d’œuvre collective s’applique alors et l’auteur sera la personne (éventuellement morale) sous le nom de qui l’œuvre sera publiée, en général le musée lui-même. Les différents intervenants pourront alors être rémunérés de façon forfaitaire et le droit moral sera détenu par le musée.