La protection des oeuvres
Les auteurs dont les droits ne sont pas respectés peuvent intenter une action en contrefaçon devant des tribunaux pénaux ou civils. Toutefois il existe un certain nombre d’exceptions qui permettent une utilisation libre des œuvres, sans autorisation de l’auteur.
Ces exceptions sont différentes selon qu’elles concernent le droit de représentation ou le droit de reproduction. La détermination du droit: violé (représentation ou reproduction) est donc un préalable nécessaire à la recherche d’une éventuelle exception pouvant justifier une utilisation non autorisée.
Les exceptions légales au monopole des auteurs
La loi française a prévu une seule exception au droit de représentation, l’exception dite du « cercle de famille » et plusieurs exceptions au droit de reproduction.
L’exception du cercle de famille autorise toutes les représentations d’œuvres faites dans le simple cercle familial, défini par la jurisprudence de façon restrictive. En effet la présence d’amis est considérée comme dépassant le cercle familial, et ce même si la représentation est gratuite. Toute position, même gratuite, est donc soumise à l’autorisation des artistes exposés (ou des personnes titulaires des droits patrimoniaux, héritiers ou détenteurs).
Les exceptions au droit de reproduction qui concernent l’art sont les suivantes (art. L. 122-5 CPI) :
- copie ou reproduction réservées à l’usage privé du copiste ;
- analyse et courte citation justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information (à condition d’indiquer le nom de l’artiste et l’origine) ;
- reproductions d’œuvres graphiques ou plastiques destinées à figurer dans un catalogue de vente aux enchères judiciaire (les ventes aux enchères publiques organisées par les sociétés de vente ne bénéficient pas de l’exception) ;
- parodie, pastiche et caricature.
Une autre exception, non prévue à l’article L. 122-5 mais souvent invoquée, complète cette liste : l’exposition dans un lieu public.
I,’exception d’usage privé du copiste permet de reproduire librement une création artistique pour un usage personnel, ce que pratiquent tous les « apprentis artistes » en toute bonne foi !
Le régime des copies d’œuvres d’art est toutefois organisé de façon spécifique par le code, qui distingue entre les copies destinées à un même usage que l’œuvre copiée et les autres. L’interprétation de cette distinction, bien qu’obscure, n’a suscité aucun contentieux.
On considère généralement que la copie destinée à être exposée dans un lieu public doit être autorisée, à la différence des copies faites à des fins d’étude qui, elles, sont libres. Qu’en est-il des copies exposées dans un lieu privé ? On peut raisonnablement penser qu’elles seraient considérées cotrime des copies privées donc libres. Et de toutes façons, toute copie d’une œuvre réalisée depuis plus de 70 ans est totalement libre .
Les expositions des travaux d’élèves d’écoles d’art devraient donc par prudence porter sur des copies d’œuvres d’artistes tombées dans le domaine public.
L’exception de courte citation autorise la reproduction d’un extrait d’œuvre à trois conditions : la brièveté, le respect du droit moral de l’auteur cite (mention de son nom et de l’œuvre dont elle est extraite) et une destination non commerciale (objectif critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information). La principale difficulté d’interprétation de cette exception est la condition de brièveté. En effet, la brièveté d’une citation littéraire ou musicale est simple, mais comment l’appliquer à un tableau ou à une exposition de plusieurs œuvres ?
Dans l’affaire précitée qui opposa les héritiers du peintre Edouard Vuillard à Antenne 2 pour avoir filmé sans autorisation des fresques murales situées dans le bar-fumoir du théâtre des Champs-Élysées, l’exception de courte citation fut invoquée : la brièveté de l’apparition des peintures était assimilable, selon la chaîne, à une courte citation. Les tribunaux refusèrent en ces termes : « la représentation intégrale d’une œuvre, quelles que soient sa forme et sa durée, ne peut s’analyser en une courte citation »
Cette position jurisprudentielle se retrouve dans de très nombreuses décisions et l’on peut donc en conclure que l’exception de courte citation est quasi inexistante dans le domaine étudié ici : seule la reproduction d’un « morceau » d’œuvre pourrait être assimilée à une exception mais jamais la reproduction d’une œuvre complète. De fait, l’exception de courte citation n’existe pas vraiment en matière d’arts plastiques.
L’exception de catalogue de ventes, introduite par une loi de 1975 (en transposition d’une directive communautaire), permet aux officiers publics et ministériels de reproduire librement les œuvres d’art destinées à une vente publique dans les catalogues de vente. Le champ de cette exception a été considérablement réduit par la loi de 2000 qui a réformé les ventes publiques en supprimant le monopole des commissaires-priseurs (voir chapitre 3). Dorénavant seules les ventes judiciaires bénéficient de l’exemption, les catalogues réalisés par les sociétés de ventes publiques devant obtenir l’autorisation pour reproduire une photographie des œuvres mises en vente.
L’exception de parodie, pastiche, caricature, plus courante dans d’autres domaines comme la musique ou le théâtre, est cependant parfois invoquée.Elle permet de reproduire une œuvre pour des raisons humoristiques ou ni niques. Les juges contrôlent toujours strictement l’objectif poursuivi afin que colle exception reste dans un cadre très limité. De plus, aucun risque de confusion ne doit exister et le public doit clairement comprendre ce dont il s’agit.
L’exception d’exposition dans un lieu public ne figure pas dans le code parmi les exceptions citées qui viennent d’être analysées, mais elle est souvent citée devant les tribunaux pour des œuvres d’art placées dans un lieu public. Prenons l’exemple d’une statue destinée à décorer une fontaine publique située au centre d’une place : toute photographie de la place sur laquelle la fontaine est visible doit-elle être autorisée par son auteur ?
– oui, si on applique le régime général des droits de propriété intellectuelle puisque toute reproduction doit être autorisée sauf exception légale inexistante en l’espèce ;
-non, si on considère que l’œuvre étant destinée à un lieu public l’autorisation de la reproduire est quasiment implicite. Cet argument fut avancé (mais non retenu) dans l’affaire précitée des sculptures de Maillol exposées dans le jardin des Tuileries et filmées sans autorisation par Antenne 2.
Alors qu’en est-il ?
Les tribunaux adoptent une position mesurée selon que l’œuvre est le sujet accessoire ou principal reproduit. Ils considèrent que toute reproduction doit être autorisée mais qu’une tolérance peut exister lorsqu’une œuvre située dans un lieu public de façon permanente est accessoirement reproduite. Il convient toutefois d’être très prudent car il ne s’agit pas d’une véritable exception mais d’une « tolérance » créée par la jurisprudence et donc interprétée au cas par cas.